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La famille de Mazarin était un fléau. Le bataillon de ses nièces, fort nombreuses, était né, formé sous l’étoile de la reine de Suède, qui vint à Paris en leur temps. Le cynisme altier de Christine, ses courses errantes et son dévergondage, comme d’un vaisseau sans gouvernail, enfin le coup royal qu’elle frappa sur Monaldeschi, tout cela les avait éblouies, si bien qu’elles prenaient son costume et beaucoup trop ses mœurs. Une autre singularité de ces Mazarines, c’est que leur frère, à l’instar des Condés, admirait, célébrait les charmes de ses sœurs, et vivait avec elles dans une peu édifiante union.

L’aînée, Marie, sombre Italienne aux grands yeux flamboyans, avec un esprit infernal et l’énergie du bas peuple de Rome, enveloppa un moment le froid Louis XIV d’un tourbillon de passion. Elle eût été reine à coup sûr, si son oncle n’avait découvert son ingratitude : déjà elle travaillait à le perdre. Donc il maria le roi à l’infante d’Espagne, « qui était une naine, » replète, le cou court, la taille entassée. La question restait tout entière avec un tel mariage. Marie, que Mazarin voulait marier en Italie, croyait bien, à sa mort, qu’elle resterait en France, reprendrait ascendant ; mais elle eut beau prier, pleurer, se jeter à genoux : le roi confirma son exil.

Restait sa sœur Olympe, plus dangereuse encore, âme et visage noirs, qui n’en avait pas moins un attrait de malice. Elle avait été pour le jeune roi comme une camarade ; elle jouait la comédie avec lui, se prêtait à tout pour le prendre. Mariée, comtesse de Soissons, au moins par l’adultère, les basses complaisances, l’amusement d’un salon où elle attirait les plus belles, elle tenait le roi près d’elle, et il y venait tous les soirs. L’avènement d’Henriette heureusement ôta au roi le faible qu’il pouvait garder pour Olympe. Il chargea le beau Vardes de l’en débarrasser, de s’en faire le galant. L’un semblait né pour l’autre ; on n’eût pas pu trouver un couple plus pervers.

Henriette au contraire, quelles qu’aient été les taches de sa vie, était d’une extrême bonté, qui ne s’est plus retrouvée en ce siècle. La Montespan n’amusa que par la méchanceté, et Mme de Maintenon eut un sobre esprit négatif, toute réserve, blâmant sans blâmer, qui séchait et stérilisait. Henriette n’était que bienveillance. Pour briller, elle n’avait nul besoin de critique ni même de saillies. Elle fut toute douceur et lumière, sympathique pour tous, bonne même pour ses ennemis.

À dix-huit ans, elle annonçait une maturité singulière, et en effet elle avait déjà traversé une longue vie. Elle naquit d’un moment ému, et il y paraissait. En pleine guerre, Charles Ier, le roi errant des cavaliers, rejoint à Exeter sa peu fidèle épouse, qui avait tant