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d’opinion irrésistible. D’autres encore ne se taisaient pas sur le péril. Il arriva ce qui arrive toujours : l’incertitude était la défaite d’une politique ; l’orgueil du prince absolu hésitait et fléchissait. Après avoir résisté tant qu’il avait pu, Ferdinand II accomplissait trois actes qui étaient toute une révolution.

Le premier de ces actes fut l’abandon des deux personnages contre lesquels s’étaient amassées toutes les haines populaires : le confesseur du roi, Mgr Cocle, et le ministre de la police, le marquis Delcarretto. Celui-ci reçut par le général Filangieri l’ordre de s’embarquer instantanément sans revoir son maître, sans lui parler, sans pouvoir même changer de vêtemens, et le confesseur eut le même sort. La seconde concession royale fut la nomination d’un nouveau ministère dont le chef était le duc de Serra-Capriola, qui avait été longtemps ambassadeur à Paris. La troisième, la dernière et la plus grave concession enfin, était la proclamation publiée le 29 janvier et annonçant une constitution. Puis Naples entra en fête et en liesse, pensant avoir tout conquis avec ce mot de constitution. Le roi sortit à cheval, et la population se pressait autour de lui pour baiser ses mains. Moment de singulière et fugitive illusion ! En trois pas, Ferdinand II avait fait plus de chemin que tous les autres princes de l’Italie depuis l’avènement de Pie IX. « Ils me poussent, je les précipiterai, » avait-il dit, et il les précipitait en effet, car la constitution à Naples, c’était à peu de jours d’intervalle la constitution à Turin et à Florence. Il ne manquait plus que la révolution de février pour précipiter tous ces princes à la fois et accomplir un miracle bien autrement étrange en mettant une constitution même à Rome. Le vice de cette situation, rattachée à tout ce qui se passait dans le reste de l’Italie et en Europe, était dans l’attitude d’indépendance et de séparation de la Sicile vis-à-vis de Naples, dans le mouvement violent imprimé avant l’heure par Naples aux autres états italiens, et dans l’explosion de la révolution de février tombant au milieu de tous ces élémens d’incohérence et d’incandescence propres à la péninsule. Tout changeait de face en quelques jours. La révolution de février surtout compromettait définitivement l’émancipation progressive de l’Italie en faisant éclater subitement une guerre d’indépendance au nord de la péninsule, en évoquant du même coup le plus redoutable ennemi de tout affranchissement national aussi bien que de toute réforme sérieuse des institutions, — l’esprit révolutionnaire.