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M. Bozzelli restait cependant la même, pleine de froideur et d’hésitations. Les premiers événemens qui chassaient les Autrichiens de Milan étaient célébrés partout en Italie, excepté à Naples, où le gouvernement ressentait plus d’inquiétude que d’enthousiasme. Au fond, il y avait une certaine jalousie à l’égard du Piémont, et on inventait même dès lors un mot de polémique pour caractériser ironiquement les partisans d’une politique plus italienne : c’étaient des albertistes. Le ministère, il faut le dire, était encouragé dans son attitude par la diplomatie anglaise, qui, chose singulière, semblait favoriser les tentatives d’indépendance de la Sicile, et d’un autre côté rappelait au gouvernement de Naples les traités qui garantissaient la situation légale de l’Autriche en Italie.

Ce ne fut que vers le 25 mars 1848 que, pressé par l’opinion, le cabinet napolitain se décidait à un acte en apparence un peu significatif. Le nouveau ministre des affaires étrangères, le prince Cariati, prenait l’initiative d’un projet de ligue italienne qu’il envoyait à Rome, en appelant une délibération de tous les gouvernemens. Le cabinet de Turin eut tort sans doute de ne point faire immédiatement un plus sympathique accueil à ces ouvertures aussi bien qu’aux propositions analogues émanées de Rome. Dans tous ces projets cependant, qu’ils vinssent de Rome ou de Naples, il est une chose à considérer : c’est qu’on s’arrangeait pour laisser peser sur le Piémont tout le poids d’une lutte où le roi Charles-Albert trouvait sans doute l’agrandissement de sa maison, mais où l’Italie entière trouvait aussi la garantie de son indépendance et de sa liberté. Ce projet de ligue italienne n’était en d’autres termes qu’un moyen de se dispenser pour le moment et tant qu’on le pourrait d’envoyer des soldats à l’armée qui combattait en Lombardie. Le gouvernement de Naples faisait une concession à l’opinion sans apercevoir distinctement l’intérêt du royaume du midi dans l’affranchissement national de l’Italie.

La politique du ministère du 29 janvier n’était pas plus heureuse dans les affaires de Sicile. L’insurrection sicilienne était sans doute une difficulté immense par les violentes antipathies qu’elle mettait en jeu. Au lieu de chercher à résoudre cette difficulté par une habile et opportune douceur, on la laissa s’aggraver en faisant des concessions toujours tardives à une insurrection victorieuse. Un moment on se flatta de ramener les Siciliens par la constitution promise le 29 janvier ; mais la question s’était singulièrement envenimée. Les circonstances avaient marché, et avec elles les méfiances s’étaient accrues. La nouvelle des événemens de Naples fut accueillie froidement, avec une sorte de réserve fière, à Palerme, — et aux premières communications du ministère napolitain le chef du mouvement insurrectionnel, Ruggiero Settimo, répondit,