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son fils. Le souverain piémontais refusa en effet ; il soutenait déjà une guerre avec l’Autriche, il ne voulait pas se jeter dans une guerre nouvelle, qui était inévitable, avec le roi de Naples. Ferdinand II ne ressentit pas moins une amertume profonde contre les Siciliens et contre Charles-Albert, et la Sicile se trouva sans roi ; dès lors elle restait livrée à elle-même, elle retombait dans l’incertitude. C’est à ce moment que le roi Ferdinand, disposant de son armée, maître de l’insurrection des Calabres, peu inquiet de ce que pouvait penser le parlement napolitain, tournait ses efforts contre la Sicile, et il chargeait de cette expédition un homme d’une brillante réputation militaire, le général Carlo Filangieri, fils de l’illustre publiciste du dernier siècle, ancien officier de l’empire, qui joignait aux qualités du soldat un esprit supérieurement doué.

La Sicile malheureusement, dans l’organisation de ses destinées, avait songé à bien des choses, telles que la formation d’un gouvernement, le vote d’une constitution nouvelle, l’élection d’un roi ; elle avait songé à tout, excepté à s’armer, comme si elle ne devait point être attaquée. La lutte ne pouvait donc qu’être inégale ; elle fut cependant acharnée. C’est aux premiers jours de septembre que le général Filangieri partait de Reggio avec vingt-quatre mille hommes pour franchir le détroit et commencer par Messine la conquête de l’île, et avec ces forces ce ne fut qu’après trente heures de combat qu’il parvint à s’emparer de la ville, trente heures de combat terrible, de bombardement impitoyable et de scènes sanglantes où Napolitains et Siciliens se laissaient aller à une sinistre émulation de barbarie. Ce qui se passa, dans cet assaut de Messine ne se peut décrire. L’armée napolitaine ne restait pas moins maîtresse de la ville, prête à pousser plus loin sa conquête. C’est alors que surgissait un incident imprévu. Émues de ces violentes scènes de guerre civile, la France et l’Angleterre s’interposaient en médiatrices et arrêtaient le général Filangieri. Un armistice laissait la place à de nouvelles négociations de paix.

Histoire singulière que celle de cette médiation née d’un sentiment d’humanité, poursuivie au milieu de toute sorte de difficultés et de répugnances égales de part et d’autre ! Vingt fois pendant près de six mois, les amiraux, les ministres anglais et français eurent à renouer les fils rompus de ces négociations. Jamais les changemens qui s’étaient accomplis dans la situation générale des choses ne s’étaient mieux révélés. La France et l’Angleterre, qui six mois auparavant semblaient encourager les tentatives des Siciliens, ne pouvaient plus désormais reconnaître une indépendance qui n’existait encore que parce qu’elles retenaient l’épée du général Filangieri. Ce n’était point leur politique, mais c’était leur pensée d’améliorer les conditions de la Sicile, de la préserver des représailles de la conquête,