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un peu dans la sphère napolitaine comme un des pontifes de l’ordre conservateur ; il en avait l’orgueil, marchant en cela sur les traces de l’empereur Nicolas, son grand allié et son lointain modèle. Plus que jamais, il était tout dans son gouvernement ; rien ne se faisait que par sa volonté, dont les ministres étaient les exécuteurs soumis et craintifs. Un peu plus d’indépendance ou de hardiesse de la part de ses ministres eût mieux servi ses intérêts quelquefois ; il en fit un jour l’épreuve à l’occasion des lettres de M. Gladstone. Ces lettres avaient été communiquées au prince Castelcicala, alors ambassadeur du roi Ferdinand à Londres, et elles ne devaient point être publiées, si le gouvernement napolitain voulait de lui-même et sans bruit remédier à quelques-uns des abus qui étaient signalés. Le prince Castelcicala transmit cette communication au marquis Fortunato, ministre des affaires étrangères de Naples ; mais M. Fortunato craignit la colère du roi, il n’osa lui en parler, et les lettres furent mises au jour. Le prince Castelcicala fut vertement pris à partie par le roi pour n’avoir pas su détourner ce coup ; il se défendit en rappelant la communication qu’il avait faite, et alors toute la mauvaise humeur du roi se tourna contre le marquis Fortunato, qui fut obligé de quitter le ministère des affaires étrangères.

Ce n’était pas M. Fortunato qui était coupable, c’était le système, et le roi lui-même sentait rejaillir contre lui un des effets de son système. Après les crises qu’il avait traversées et surmontées, non sans habileté et sans résolution, Ferdinand II n’était nullement disposé à changer de politique, et si quelque suggestion de ce genre arrivait jusqu’à lui, il était tout prêt à répondre qu’il connaissait son peuple, qu’il savait quel régime lui convenait. Il n’était nullement convaincu que la douceur fût le moyen de gouvernement le mieux adapté au caractère napolitain. Ferdinand n’ignorait pas que dans son entourage et dans son administration il y avait d’étranges abus et des malversations ; mais, si on lui parlait de quelque changement possible de personnes, il embarrassait fort ses interlocuteurs par ses révélations sur ceux-là mêmes qu’on désignait à son choix. Quant à une expérience nouvelle du régime constitutionnel, il en avait assez ; il l’avait subi une fois, et il ne voulait plus recommencer. Il oubliait que l’expérience qui avait été faite en 1848, c’était l’expérience des agitations indéfinies et des manifestations des rues, ce n’était point l’épreuve du régime constitutionnel. Ces souvenirs de 1848 lui étaient singulièrement importuns, et il leur faisait la guerre au point d’envoyer en exil quelques personnes qui avaient assisté aux funérailles d’un ancien député du parlement napolitain. Il pensait définitivement, comme il le disait, que « les Bourbons de Naples ne sont pas du bois dont on fait les toupies. »

C’est contre le pouvoir ainsi reconstitué, animé de cet esprit, et