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Je ne rappelle pas ces paroles pour réveiller une querelle qui a disparu avec le dernier roi, mais pour montrer le ressort de ce caractère, toujours prêt à se relever sous la pression étrangère. Le roi de Naples consentit bien à adoucir son langage, il n’adoucit pas son régime ; par une sorte de bravade, il laissait en ce moment même au contraire se dérouler un procès de conspiration où se révélaient encore une fois les procédés de la justice napolitaine. La France et l’Angleterre pourtant étaient engagées d’honneur à obtenir ce que le roi de Naples était engagé d’amour-propre à ne point accorder. De là une rupture diplomatique, et cette épreuve redoutée comme un péril nouveau, le prince napolitain la soutint bravement, montrant qu’il se suffisait à lui-même. La rupture durait encore quand il est mort. Ainsi jusque dans ses dernières années Ferdinand II se relevait aux yeux de l’Europe par cette étrange et indépendante liberté d’allures qui se refusait à plier même devant les deux puissances réunies, et qui est un des traits curieux de cette figure de souverain. Et cependant l’Angleterre et la France avaient raison en signalant ce qu’il y avait de périlleux pour l’Italie dans cet état où la justice devenait l’instrument de la violence politique, où la vie civile était sans garantie, où une police audacieuse suppléait à tous les moyens de gouvernement, et où tout un pays enfin flottait sans cesse entre l’anarchie et la compression, entre le danger des explosions soudaines et la soumission silencieuse à un régime d’arbitraire universel.

Telle était la situation où Ferdinand II laissait son royaume en mourant il y a quelques mois, et ici, en présence d’un règne nouveau inauguré au milieu des événemens qui déjà se pressaient en Italie, surgissait naturellement ce problème : le régime qui a duré plus de quarante ans à Naples, qui n’a subi que deux interruptions momentanées et violentes, en 1820 et en 1848, qui a été, il est vrai, un obstacle à la révolution, mais qui n’a point créé la paix politique, ce régime peut-il durer ? Le moment n’est-il pas venu au contraire pour Naples de chercher une sécurité nouvelle dans une politique plus favorable aux aspirations nationales de tous les Italiens, et de détendre tous ces ressorts qui font de la vie intérieure du royaume napolitain une lutte permanente et stérile ? C’est là le problème que le roi François II a trouvé devant lui dès les premiers jours de son règne, qui a pu être ajourné, qui ne pourra être évité. C’est le malheur et l’honneur, si l’on veut, du royaume de Naples que tout ait un caractère décisif pour ce pays, que toute pensée sérieuse de réforme intérieure touche aussitôt à la politique et au vif des choses. Ce ne sont point en effet les lois qui manquent à Naples. Le royaume des Deux-Siciles a le privilège d’avoir conservé des lois civiles supérieures à celles de tous les états de l’Italie : il a