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nant simple pêcheur à pied sur le rivage. Enfin, retenu au logis par les ans et les infirmités, il réparera les filets et les lignes, excitant les vocations naissantes par le récit de ses aventures, qu’il n’a garde d’amoindrir. Des cendres de cette activité éteinte renaîtront des rejetons qui reprendront le métier paternel pour grandir à leur tour, baisser et finir de même.

Les capitaines s’appliquent à recruter des équipages de même province et parlant la même langue. Quand l’idiome de la province domine seul à bord, le bon accord est plus assuré, la surveillance moins difficile, les ordres sont mieux exécutés. Cependant le pays basque et la Bretagne ont un excédant de population dont profitent les armateurs normands et flamands. Les contrats d’engagement, fixés par des règles séculaires, consacrent un principe de justice qui pourrait trouver sa place dans bien d’autres entreprises : ils stipulent toujours, outre la nourriture, un minimum de bénéfice, qui est payé avant l’embarquement, et une part éventuelle dans le produit de la pêche. Les avances varient en moyenne de 150 à 200 francs. La part de pêche est généralement fixée à un cinquième pour l’équipage entier, et se répartit en autant de lots qu’il y a d’hommes, plus deux lots en sus attribués au capitaine et au second. L’état-major a en outre droit à des prélèvemens en nature, en huile surtout, que l’on nomme des pratiques. Les maîtres-pêcheurs reçoivent aussi une rétribution proportionnelle au nombre de morues prises, ce dont ils justifient par les langues coupées. Dans le pays basque, l’équipage a droit aux trois septièmes, et les avances se réduisent à proportion. La part de pêche est toujours achetée par l’armateur à un prix fixé d’avance, ce qui traduit finalement en argent l’entière rémunération du travail. On estime que l’équipage perçoit en général du tiers au quart du rendement brut de la campagne, et que le lot de chaque matelot, dans une moyenne campagne, varie de 800 à 1,200 francs.

Pendant que ces arrangemens se concluent à terre, le navire achève ses préparatifs et se dispose à partir au premier signal que donneront la marée haute, le vent favorable, et le canon du port ou le carillon des cloches, échos des ordres administratifs.


III. — LE DÉPART. — LA TRAVERSÉE. — LA CAMPAGNE DE PÊCHE. — LA MORTE-SAISON.

Il y a trois époques de départ : le 1er mars pour les navires qui se rendent au Grand-Banc, où une première pêche peut se faire dès le mois d’avril ; le 1er avril pour ceux qui vont à la mer d’Islande ; le 1er mai enfin pour ceux qui font voile vers la côte nord-est de Terre-Neuve ; où la banquise persiste jusqu’à la fin de ce mois[1].

  1. Le départ pour la côte de Terre-Neuve est cependant autorisé dès le 20 avril.