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jeu et tous les divertissemens profanes, fort goûtés aux universités. Leurs camarades les surnommèrent par dérision les méthodistes. Au sortir de l’université, John Wesley se crut appelé à porter l’Évangile aux peuples sauvages, et passa en Amérique ; mais au bout de deux années il revint en Angleterre, et c’est au milieu de ses compatriotes qu’il résolut de poursuivre son apostolat.

Ce n’était point une question de dogme qui le préoccupait. Élevé au sein de l’église anglicane, il en adoptait complètement, au moins à son début, toutes les doctrines. Il était péniblement surpris de la corruption générale des mœurs, de la tiédeur qui envahissait toutes les âmes, de l’apathie et de l’impuissance du clergé. Pourquoi l’église, malgré ses immenses ressources, était-elle comme frappée de stérilité, sans prosélytisme au dehors, sans influence efficace au dedans ? Pourquoi ce clergé si riche, si savant, si lettré, était-il dépourvu de toute action sur la masse du peuple ? La doctrine étant pure, cette paralysie de la société chrétienne devait tenir à un vice d’organisation : un rouage manquait, dont l’absence empêchait clergé et fidèles, prêtres et laïques, d’agir les uns sur les autres. Comme tous les novateurs, Wesley se retourna tout d’abord vers les temps anciens, il voulut revenir au christianisme primitif : il se demanda comment la foi s’était propagée si vite, et comment s’entretenaient le zèle et la ferveur des premiers chrétiens. Deux prédications simultanées avaient coopéré, suivant lui, aux progrès rapides de la foi : celle des apôtres, qui avaient reçu l’institution divine, et celle des simples évangélistes, c’est-à-dire des chrétiens qui s’étaient sentis appelés à prêcher la parole de Dieu, et que leur zèle avait partout transformés en précurseurs et en auxiliaires des apôtres. On avait donc mutilé l’église, on avait tari une des deux sources de la foi, en restreignant au seul clergé le droit à la prédication. Le clergé doit être le dépositaire de la doctrine ; mais pourquoi supprimerait-il l’intervention des laïques dans la propagation de l’Évangile ? pourquoi refuserait-il le concours des âmes pieuses chez qui s’allume un saint zèle, et qui se sentent appelées à fortifier ou à réveiller la foi de leurs frères ? La réforme à accomplir n’exigeait pas de rompre avec l’église anglicane, ni même de la modifier ; il fallait seulement la compléter en donnant à l’enseignement du clergé le concours et le stimulant de la prédication laïque.

Il serait hors de propos de retracer ici les progrès du méthodisme en Angleterre : ils furent rapides. Au milieu de ses succès, Wesley ne perdit jamais de vue l’Amérique, qui avait eu les prémices de son apostolat. Alors même que commençaient les démêlés des colonies avec la métropole, au moment où les premiers émigrans s’aventuraient dans le Kentucky et l’Ohio, il envoya par-delà l’Atlantique