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et à servir le maître. Les Indiens, absolument privés du bien-être, c’est-à-dire de l’élément premier de la civilisation, condamnés à lutter sans relâche pour les besoins de la vie matérielle, n’apprécient la mère et l’épouse qu’au point de vue de l’utilité pratique : quand l’une est trop vieille et quand l’autre n’est plus jeune, quel peut être leur rôle dans la tribu ? La mère n’a plus qu’à mourir au plus vite, et l’épouse descend au rang de servante. Ce n’est point la logique du sentiment, mais c’est la logique des sauvages ; or chez les peaux-rouges nous sommes en pleine sauvagerie.

Les Chinooks ont un costume d’hiver et un costume d’été. L’hiver, hommes et femmes se couvrent de peaux et de plumes, dont ils augmentent l’épaisseur et le nombre quand la saison est très rigoureuse. L’été, le vêtement des hommes est d’une simplicité qui dispense de toute description ; les femmes n’ont qu’une ceinture en écorce de cèdre, avec des filamens qui descendent jusqu’aux genoux. Les Chinooks portent généralement les cheveux longs, et ils ne se peignent la figure que dans les occasions solennelles, pour une fête ou pour une cérémonie de deuil. Ils sont, au demeurant, d’une saleté repoussante ; ce qu’ils mangent ne saurait se dire, ni même s’imaginer. Pourtant, si leur pays est peu giboyeux, ils possèdent en abondance le poisson et deux légumes, le cama et le wappatou, qui ont de grands rapports avec la pomme de terre. Ils n’ont pour armes que l’arc et les flèches, dont ils se servent avec une grande dextérité ; leurs canots, construits en bois de cèdre, sont à la fois très solides, très légers, et peuvent affronter les fortes mers qui viennent briser à l’embouchure de la Columbia ou sur les côtes de Vancouver, leurs parages habituels de pêche.

Il ne semble pas qu’il existe chez les Chinooks, pas plus que chez aucune tribu des peaux-rouges, le moindre sentiment religieux. Ils rapportent tout au Grand-Esprit ; mais ce Grand-Esprit n’est qu’un être vague, qui n’est l’objet d’aucun culte extérieur. Si plusieurs légendes permettent de supposer qu’ils croient à une autre vie, ils ne prévoient dans cette autre vie ni peine ni récompense. La mort seule produit sur eux une impression profonde qui se manifeste par la solennité des cérémonies funèbres et par diverses pratiques superstitieuses, dont les détails varient suivant les tribus, mais qui toutes procèdent du même sentiment de respect. Quand ils se trouvent en présence d’un cadavre, ils ont soin de détourner la tête, ou bien ils se mettent la main sur les yeux et n’osent regarder qu’à travers leurs doigts. Les corps sont enveloppés dans des morceaux d’étoffes et portés au cimetière dans des canots que l’on suspend aux arbres ou aux rochers, hors de la portée des bêtes fauves. On place dans ces canots toute sorte d’objets, des vêtemens, des