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identiques, auraient-ils mérité les censures du Moniteur ? Ce n’est point à nous de défendre les Toscans : ils se défendent assez bien eux-mêmes. Tout le monde a lu le mémorandum que leur gouvernement a adressé aux grandes puissances, tous les esprits élevés ont applaudi au noble discours prononcé par un membre de la députation qui a présenté au roi de Sardaigne le vœu d’annexion de la Toscane, M. le professeur Giorgini. Tous ceux qui s’intéressent à l’Italie ne tarderont pas à lire une admirable brochure, l’Assemblea Toscana, où l’un de ces hommes qui honorent le plus le nom italien dans l’Europe éclairée, un historien érudit, un publiciste éminent, un éloquent écrivain, membre lui-même de l’assemblée, M. Leopoldo Galeotti, expose et justifie triomphalement les actes et les résolutions du gouvernement et de la représentation de son pays. Nous nous contenterons d’opposer aux conclusions politiques du Moniteur de courtes observations. Montrer l’Autriche prête à faire expier à la Vénétie les mécomptes qu’elle éprouverait dans l’Italie centrale, est-ce une façon délicate et habile de recommander les réclamations autrichiennes ? Prédire que l’Autriche continuera à se ruiner en armemens pour défendre la Vénétie, comme elle s’est épuisée en frais de guerre pour garder cette Lombardie qui lui échappe aujourd’hui, est-ce faire honneur à l’intelligence du gouvernement autrichien ? Le Moniteur croit-il bien sérieusement que, pour dégager les intérêts et la responsabilité de la France des vicissitudes réservées à l’Italie, il suffise de montrer dans l’avenir la perspective d’une guerre, et de déclarer que la France, ayant accompli sa tâche, n’aurait point à s’en mêler ? Quoi ! la France fait la guerre pour une idée (quel sourire eût crispé la terrible figure du grand contempteur des idéologues, s’il eût entendu parler de cette idéomachie !), et elle ne la ferait pas, si elle y était contrainte, pour défendre ses intérêts, pour sauvegarder un principe d’équilibre, pour faire honneur aux responsabilités encourues par sa politique antérieure ! On passerait cette boutade à la mauvaise humeur d’un écrivain, elle n’émane point de la froide raison d’un gouvernement. La France a été pour beaucoup dans les révolutions qui s’accomplissent en Italie. Personne ne s’est dissimulé en Europe que, sans l’appui présumé de la France, le Piémont n’eût point, l’année dernière, pris cette attitude et excité dans la péninsule ce mouvement devant lequel l’Autriche a perdu patience, et a voulu, avec une étourderie si intempestive, tenter le sort des armes. C’est l’opinion de tous les hommes d’état de l’Europe que la France, en posant à l’improviste la question italienne, a couru les yeux ouverts au-devant des chances de la guerre : nous n’aurions, pour le prouver, qu’à puiser dans le volume de dépêches publié par le dernier cabinet anglais ; mais l’empereur lui-même n’a-t-il point revendiqué à la fois le péril et l’honneur de cette initiative en déclarant qu’il a fait la guerre contre le gré de l’Europe ? Or, dans de telles entreprises, on n’est maître de mesurer sa responsabilité ni à ses prévisions, ni aux résolutions que l’on a prises avec soi-même, car l’on n’est pas maître de fixer les conséquences qu’elles doivent produire. En entamant par exemple la question italienne, l’on n’a pas pu ignorer les ressorts qu’allaient faire mouvoir les patriotes italiens, et l’on n’a pas pu croire que le mouvement obéirait au frein aussi docilement qu’il avait obéi à l’impulsion. Cette tendance unitaire, qui pro-