témoignant par sa blancheur qu’il n’y était pas depuis longtemps. J’en ramassai un ; c’était sans doute un fragment de lettre. Une main de femme y avait tracé d’une écriture ferme ces mots : « se taire. » Je déchiffrai sur un autre papier le mot « bonheur… » Un bouquet de fleurs à demi fanées baignait dans un verre placé sur un guéridon auprès de la fenêtre ; un ruban vert froissé gisait à côté. J’emportai le ruban… Lucavitch ouvrit une porte étroite formée d’une cloison tapissée. — Voilà, dit-il en étendant la main, voilà la chambre à coucher, plus loin celle de la femme de chambre, et puis c’est tout.
Nous revînmes par le corridor. — Quelle est cette pièce ? lui demandai-je en indiquant une large porte soigneusement cadenassée.
— Celle-là ? me répondit le vieillard d’une voix sourde, ce n’est rien.
— Cependant ?
— Eh bien ! c’est le garde-meuble. — Et il entra dans l’antichambre.
— Le garde-meuble ? Ne peut-on le visiter ?
— Quel plaisir aurez-vous donc à cela, monsieur ? répondit Lucavitch d’un air mécontent. Que voulez-vous y voir ? des caisses, de la vieille vaisselle !… C’est un garde-meuble, et rien de plus.
— Montre-le-moi, je t’en prie, vieux, dis-je, quoique rougissant intérieurement de mon opiniâtreté indiscrète. Vois-tu, je désirerais avoir dans mon village une maison pareille…
J’avais honte. Je ne pouvais parvenir à achever ma phrase. Lucavitch penchait sa tête grise sur sa poitrine et me regardait en dessous d’un air singulier.
— Montre-le-moi, lui répétai-je.
— Eh bien ! volontiers, répondit-il enfin.
Il prit la clé et ouvrit la porte avec humeur. Je jetai un coup d’œil autour du garde-meuble. Il n’y avait rien d’extraordinaire. Les murs étaient garnis de vieux portraits aux visages sombres et presque noirs, aux yeux méchans. Par terre gisaient des décombres de toute espèce.
— Eh bien ! est-ce vu ? me demanda bientôt Lucavitch.
— Oui, merci, répondis-je précipitamment. Il ferma la porte. Je traversai l’antichambre et passai dans la cour.
Lucavitch me dit sèchement : — Je vous salue. — Et il me quitta.
— Mais quelle était la dame que vous aviez hier en visite ? lui criai-je en le voyant s’éloigner : je l’ai rencontrée dans le bois ce matin.
J’avais espéré l’embarrasser par cette question soudaine et en tirer une réponse irréfléchie ; mais le vieillard ne fit que sourire malicieusement et s’éloigna.
Je rentrai à Glinnoë. J’étais mal à l’aise comme un enfant qui