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« POUSSIN. — Les Sept Sacremens. — L’extrême-Onction. — Il y a peu de tableaux qui réunissent à autant de noblesse une aussi profonde émotion. Clarté des groupes de Poussin... Le mourant, pâle, la poitrine découverte, étendu droit sur son lit, d’une langueur et en même temps d’une sérénité, d’une douceur ineffables; les lèvres pâles, les yeux à demi fermés sous le pouce du prêtre. Le prêtre penché, d’une grandeur, d’une indulgence et d’une bonté extrêmes : vraiment la personnification de la toute-puissante et toute compatissante miséricorde. A la tête, trois femmes, dont l’une porte un enfant; une autre se penche, watching anxiously the dying man’s face, dans l’ombre, superbe. Intensité d’expression et de sentiment. L’assistant de profil, tenant le cierge, pénétré de la solennité et de la tristesse de l’instant; en avant, un enfant en blanc, agenouillé. Derrière le pied du lit, deux femmes, et un homme entre elles, se penchent en avant, pénétrés de douleur, mais priant : une douleur qui se tourne en prière. L’une d’elles, joignant les mains et levant les yeux, admirable de pose et de ferveur dans l’imploration. Au pied du lit, une femme accoudée, et cachant son visage dans sa main; un jeune garçon près d’une table, tendant un vase, le visage imprégné de chagrin et d’émotion contenue, tête merveilleuse, et une jeune fille, une servante ouvrant la porte, d’une grâce, d’une légèreté incomparables dans le mouvement et le visage. La chambre, grise et terne, va admirablement au sujet. Pour le sentiment profond, simple, touchant et saint, cela n’est pas surpassé. Raphaël aurait mis dans les formes plus de beauté et d’inspiration, pas plus de pathétique religieux, vrai, noble. Tous les sentimens qui peuvent se presser autour du lit d’un mourant sont rendus ici, et avec quelle justesse, avec quelle grandeur! Caractère du XVIIe siècle : la grandeur et le sentiment dans la raison, la mesure et la justesse. »

« RUYSDAEL. — Le Bois (musée du Belvédère à Vienne). — Cette mélancolie silencieuse, cette solitude profonde dans la nature, cette nature sans lumière et sans montagnes, où Ruysdaël est-il allé les prendre pour les faire ainsi pénétrer dans l’âme? Il représente toujours des temps couverts, tout au plus des coups de soleil pâles, des ciels gris, bas, de gros nuages d’une teinte uniforme qui laissent passer une lumière blafarde. — Un ruisseau noir traverse le premier plan ; à gauche, un taillis ; au-delà, un chemin entre sous un bouquet de grands hêtres épais. De quel effet est ce chemin qui se perd peu à peu dans l’ombre! Et au fond, à travers les troncs, sous le sombre feuillage, on voit luire le jour gris et triste de la plaine. Comme ces arbres se détachent, et quel fond immense derrière eux! A gauche, un hêtre étend sur le ciel ses grands rameaux