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tations, à déterminer les causes de sa déchéance, à lui offrir les moyens de se régénérer. Il y a d’ailleurs un ensemble d’études au milieu duquel il convient de placer le livre de M. de Cherrier pour en mieux apprécier la signification et l’utilité. De nombreux travaux se sont produits bien avant les derniers événemens sur les questions qu’agite l’historien de la lutte des papes et de la maison de Souabe. Le célèbre ouvrage du père Tosti sur la Lega Lombarda, où le moine du Mont-Cassin, au nom de la liberté, appelait le pape Pie IX à lever le drapeau et à soutenir la cause de l’affranchissement de l’Italie, avait été au-delà des Alpes comme un signal donné, sinon à la science positive, du moins à la polémique nationale. En France aussi, surtout dans ces dernières années, des historiens patiens et sincères ont voulu remonter aux sources, étudier à fond les documens qui, en faisant mieux comprendre le passé de l’Italie, répondent encore aux préoccupations actuelles. Chacun de ces écrivains, après avoir tracé et dégagé la voie dans cette mêlée si confuse et souvent si contradictoire, s’est placé à un point de vue particulier, a développé quelque aperçu nouveau dans l’appréciation du rôle historique de la péninsule. Les uns ont exalté ce rôle outre mesure, les autres en ont diminué peut-être la réelle grandeur; la plupart du moins s’accordent sur ce principe, que l’Italie n’est pas seulement un nom géographique, mais qu’elle mérite d’avoir enfin une existence personnelle, une nationalité distincte. Peu importe que ce droit lui soit acquis à titre de récompense pour avoir initié l’Europe à la civilisation, ou bien à titre de dédommagement pour les longs malheurs qu’elle a subis; peu importe même la part d’erreurs et de fautes qu’on aurait à lui imputer dans la conduite de ses propres destinées. L’énergique expression dont M. Guizot se servait à propos de la Pologne, on peut l’appliquer à l’Italie, on peut dire que le suicide national ne saurait excuser le meurtre étranger.

L’Italie, de son côté, a bien prouvé qu’elle voulait revivre dès le jour où elle n’a plus séparé de l’idée d’indépendance le ferme désir d’une rénovation libérale. Elle s’est souvenue de ces paroles écrites à l’heure des revers par un de ses meilleurs citoyens : « Nous savons que l’occasion de reconquérir l’indépendance est peut-être encore éloignée. Nous l’attendrons avec une activité pleine de calme, nous appliquant non point à troubler inconsidérément le repos d’autrui, mais à réformer nos institutions dans ce lambeau d’Italie qu’on nous a laissé, à nous réformer nous-mêmes, à nous rendre dignes d’un regard de la Providence et capables de mettre à profit l’occasion quand elle voudra nous l’envoyer[1].» Cette occasion est venue,

  1. Massimo d’Azeglio, Programma per l’opinione nazionale.