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Entourent Afranus, évêque de Fréjus.
Là sont Farnèse, Ursin, Cosme à l’âme avilie,
Puis les quatre marquis souverains d’Italie ;
L’archevêque d’Urbin ; Jean, bâtard de Rodez ;
Alonze de Silva, ce duc dont les cadets
Sont rois, ayant conquis l’Algarve portugaise.
Et Visconti, seigneur de Milan, et Borghèse,
Et l’homme entre tous faux, glissant, habile, ingrat,
Avellan, duc de Tyr et sieur de Montferrat;
Près d’eux Prendiparte, capitaine de Sienne;
Pic, fils d’un astrologue et d’une Égyptienne,
Alde Aldobrandini ; Guiscard, sieur de Baujeu,
Et le gonfalonier du saint-siège et de Dieu,
Gandolfe, à qui plus tard le pape Urbain fit faire
Une statue équestre en l’église Saint-Pierre,
Complimentent Martin de la Scala, le roi
De Vérone, et le roi de Tarente Geoffroy ;
A quelques pas se tient Falco, comte d’Athènes,
Fils du vieux Muzzufer, le rude capitaine
Dont les clairons semblaient des bouches d’aquilon ;
De plus, deux petits rois, Agrippin et Gilon.

Eh bien! que dites-vous de cette énumération? Pour moi, il me semble voir un bas-relief de bronze coulé d’un seul jet. — Procédé puéril! répondez-vous. — Eh bien! essayez!

Nous avons dit que la Légende des Siècles était pour ainsi dire une médaille à double face portant sur un revers l’effigie du méchant, sur l’autre l’effigie du justicier; mais hélas! le mal l’emporte sur le bien, et dans le livre de M. Hugo nous avons dix tyrans pour un justicier. La justice est représentée dans ces poèmes par deux chevaliers errans, Roland et Eviradnus. M. Victor Hugo s’est efforcé de tracer de ces personnages un portrait qui fût en rapport à la fois avec la barbarie des temps où ils vécurent et l’idéal de la chevalerie. Roland et Eviradnus ne répondent en rien à l’idée vulgaire que le commun des lecteurs se fait sans doute des chevaliers errans d’après les traductions de la Jérusalem délivrée et du Roland furieux. Ils laissent bien loin derrière eux les beaux damoiseaux de l’Arioste et du Tasse. Ce ne sont pas des coureurs d’aventures galantes, des chercheurs de brillans exploits, mais ce sont de véritables redresseurs de torts et de sincères justiciers. Ils n’ont pas d’armures magiques et ne sont pas chéris des fées; tout leur espoir est dans leurs armes, leur courage, leur désir de la justice et la crainte du mal. Ce sont de simples mortels doués de force et de bonté, qui ont appris dans le malheur et la peine à être compatissans aux malheureux, qui ont pitié des faibles parce qu’ils sont forts, et qui haïssent les méchans parce qu’ils sont bons. Plus d’une fois il leur est arrivé de ne pas trouver de gîte et de dormir sans souper à la