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et par la représentation législative danoise. Moyennant des concessions réciproques et une révision de la constitution de 1855, le gouvernement espère arriver à formuler un projet qui, après avoir été soumis à l’examen des diverses assemblées, finirait par être adopté d’un commun accord, et resterait définitivement la loi fondamentale de la monarchie. Ces diverses mesures, le cabinet de Copenhague vient de les notifier à la diète de Francfort par une communication diplomatique qui précise le point où en est aujourd’hui ce conflit. Qu’on n’oublie pas la situation singulière où se trouve le Danemark : une patente royale de 1852, rendue en vertu d’engagemens pris avec la confédération germanique, lui fait un devoir d’organiser l’ensemble de la monarchie ; d’un autre côté, toute tentative d’organisation rencontre l’insurmontable répugnance du Holstein. Reste un troisième personnage, la diète de Francfort, qui prétend être juge de la façon dont le cabinet de Copenhague exécute ses engagemens. C’est là le problème qui occupe depuis sept ans les hommes d’état du Danemark et de l’Allemagne, et qui n’est peut-être pas beaucoup plus près d’une solution que le premier jour.

Ce n’est là encore que le côté extérieur d’une affaire qui réagit nécessairement sur la situation intérieure du Danemark. Il y a dans ce pays, sans qu’on se l’avoue peut-être deux partis politiques distincts. L’un de ces partis est absolutiste d’inclination, l’autre constitutionnel. Les absolutistes, peu nombreux en réalité, sont les grands défenseurs du principe de l’unité de l’état d’ensemble ou Heelstat, même au risque de sacrifier la constitution et l’indépendance nationale danoise aux exigences de l’Allemagne. Les constitutionnels, qui sont en grande majorité et qui voudraient sauver les institutions libres, l’indépendance nationale, tendraient plutôt au contraire à abandonner cette idée d’unité difficile à concilier avec la situation mixte des duchés ; ils s’en tiendraient volontiers à une sorte d’union composée : — d’une part, des provinces constitutionnelles indépendantes, le Danemark et le Slesvig, — de l’autre côté, des provinces allemandes du Holstein-Lauenbourg, qui tiennent en même temps à la confédération germanique. Ces divisions se sont fait sentir lorsque s’est réuni, il y a peu de temps, le Rigsraad, cette assemblée qui est censée être la représentation commune de la monarchie, et qui ne l’est plus d’une manière aussi complète depuis la patente royale qui met provisoirement les duchés allemands à l’écart. La minorité s’est armée de ce fait pour décliner l’autorité et la compétence d’une assemblée qui, selon la constitution, devrait se composer de quatre-vingts membres, et qui ne compte plus que soixante représentans après l’exclusion temporaire du Holstein et du Lauenbourg. Des membres ont protesté et se sont retirés des séances. Il en est résulté un certain embarras. Le ministère malgré tout a tenu tête à cette opposition, et il a réussi à rallier une majorité assez forte. Les difficultés paraissaient donc surmontées, lorsque le jour même de la clôture du Rigsraad, le 24 novembre, le ministère donnait subitement sa démission.

À quoi tenait cette retraite soudaine du cabinet de Copenhague ? Aucun incident extérieur n’était survenu ; tout semblait aplani pour le moment par l’accord du gouvernement et de la majorité législative dans la politique intérieure. Cette démission n’a pu s’expliquer que par une cause, par la résistance