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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/140

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chambre où l’on aura eu la précaution de placer dans un baquet le lait qu’elle aura corrompu ; fouettez ensuite ce lait avec une baguette de noisetier, en prononçant trois fois le nom de l’Éternel. Pendant que vous fouetterez ainsi le lait, vous entendrez des cris et des lamentations ; ce sera la sorcière qui gémira de la sorte, car c’est sur elle que retombent tous les coups de la baguette avec laquelle on fouette le lait. Or vous ne vous arrêterez que lorsque des flammes bleues viendront danser à la surface du lait : en ce cas seulement, le charme sera rompu ; mais il vaut mieux encore ne pas laisser le temps aux sorcières d’accomplir leurs maléfices. Donc, si pendant l’omer, à la tombée de la nuit, quelque mendiante vient demander à une famille un peu de braise pour allumer son maigre foyer, qu’on se garde bien de lui donner ce qu’elle demande, et qu’on ne la laisse jamais partir sans l’avoir tirée trois fois par un pan de sa jupe ; puis aussitôt, sans perdre de temps, qu’on jette de larges poignées de sel dans la flamme de l’âtre. Cette mendiante est peut-être une sorcière, car les machschévess saisissent tous les prétextes pour entrer dans les maisons et prennent tous les déguisemens.

Tels sont les dangers de l’omer. On s’expliquera maintenant les sages recommandations de mon hôte de Bolwiller. Ai-je besoin de dire que je m’y conformai à la lettre ? Aussi j’arrivai à Paris sans que la machine eût sauté, sans que les roues du wagon fussent sorties des rails, et, comme je m’étais gardé de mettre le nez ou le bras à la portière, je n’avais reçu ni blessure ni contusion. Voilà ce que l’on gagne à ne pas tenter les schédim !


II

On a pu voir quel est le caractère particulier de la pâque juive. C’est une fête de famille autant qu’une fête religieuse. Une des principales cérémonies de la pâque, le séder, a le foyer pour théâtre. Les préparatifs mêmes de la solennité entraînent mille soins domestiques. Tout autre est la physionomie des journées de prière qui ouvrent en septembre ou octobre l’année juive sous le nom de rosch haschonnah (commencement de l’an) et de kippour (expiation). Veut-on voir Israël au temple, veut-on savoir ce qu’il y a de grandeur austère dans les exercices religieux que ramènent chaque année a cette époque d’invariables traditions : c’est encore dans un de ces curieux villages israélites de l’Alsace qu’il faut se placer. Qu’on nous suive par exemple au sein de l’honnête et pieuse population de Wintzenheim. C’est là que nous assistâmes à toutes les scènes caractéristiques de ce temps de pénitence, et que nous passâmes même la mystérieuse