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pour que l’application en devînt générale. On pensa qu’en affectant des établissemens à l’assistance aussi bien qu’à la répression de la mendicité, on centraliserait le service de manière à le rendre plus prompt et plus facile. On prescrivit en conséquence la construction dans chaque paroisse d’une maison de travail [workhouse] pour les pauvres, ou plutôt d’un établissement qui fût à la fois la maison de correction prescrite par le trente-neuvième statut d’Elisabeth, un hôpital pour les indigens et un refuge offrant de l’ouvrage aux bras inoccupés. Le nombre des mendians ne cessa pas de s’accroître, car en général ces lois nouvelles ne s’appliquaient pas, et on ne peut guère s’en étonner. Le personnel de cette administration gratuite, qui avait à recouvrer une taxe fort lourde, n’était pas seulement chargé de l’assiette de l’impôt et de la répartition des aumônes ; il devenait encore tuteur des enfans indigens, patron des artisans sans ouvrage, marchand, fabricant, spéculateur ; il devait tenir boutique ouverte pour la vente de toute sorte d’objets. La plupart des habitans ne pouvaient remplir de pareilles obligations sans des sacrifices auxquels peu d’entre eux se résignaient. Il fallut donc les y contraindre, et après avoir édicté des châtimens contre le vagabondage, décréter une autre pénalité contre les magistrats qui ne le punissaient pas. Cette tâche ne répugna point au caractère de Charles Ier. Le malheureux prince ne négligea rien pour apprendre à la nation l’art de se gouverner elle-même et pour la former despotiquement au régime de la liberté. En 1630, il choisit parmi les lords de son conseil privé des commissaires chargés de réprimer la négligence des juges de paix et des autres officiers, et d’assurer par tout le pays une application sérieuse de la loi des pauvres. Par suite des instructions émanées de cette commission, une moitié de la population devait administrer les affaires de l’autre, et depuis le mendiant jusqu’au chef de l’état, la société présentait une hiérarchie dont les divers degrés se reliaient, à défaut de la charité privée formellement interdite, par la surveillance, la délation et le châtiment. Ces dispositions ne furent point suffisantes pour assurer la bonne exécution de la loi des pauvres ; mais elles familiarisèrent les Anglais avec l’assiette, le recouvrement et l’emploi des taxes. Quand les communes prirent la résolution de ne pas laisser verser à l’échiquier les subsides militaires accordés au roi, et de nommer des commissaires pour surveiller l’emploi de ces fonds, elles appliquèrent pour la première fois aux intérêts de l’état ce que les commissaires royaux leur avaient appris à exercer dans l’intérêt des paroisses.

En même temps que la pratique de ces détails d’administration locale favorisait dans le parlement l’esprit d’opposition, elle armait