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Non-seulement les pauvres se font incarcérer pour passer l’hiver chaudement et pour être bien nourris ; mais, admis au Workhouse, ils y commettent dans la même intention des infractions à la discipline, qu’on a le tort de punir par la détention dans une maison correctionnelle.

Il est une autre cause pour laquelle la population des prisons se recrute dans les workhouses, c’est la mauvaise éducation de l’enfance dans ces derniers établissemens. On y élève, dans de bons principes sans doute, les orphelins et les enfans trouvés jusqu’à l’âge de quatorze ans, et on les y garde même plus longtemps, jusqu’à ce qu’on leur procure de l’emploi chez un maître ouvrier ; mais à ces pupilles viennent se mêler les enfans vicieux admis tous les jours dans la maison avec leurs familles vagabondes. La séparation absolue de ces deux classes d’élèves devrait être obligatoire, malgré le surcroît de dépenses qui en résulterait. La preuve des imperfections du système actuel, c’est que, sans compter le contingent qu’il fournit à la population criminelle, la plupart, et les pires des habitans adultes des workhouses, sont des gens qui, ayant passé leur enfance dans ces asiles, semblent n’avoir rien de commun avec les autres membres de la société. Étrangers aux sentimens de famille, ils ne connaissent que le workhouse et la prison, le gouverneur, le directeur et le geôlier. Ajoutons que leur instruction professionnelle, non moins imparfaite que leur éducation morale, jette sur la place une foule de mauvais ouvriers dont la concurrence abaisse à la fois le taux des salaires et la qualité des produits.

Il y a aussi une espèce de caverne qu’on ne montre guère aux étrangers, et dont l’aspect n’est pas un des moins affligeans de la maison : c’est le quartier éventuel [casual ward). Dans toutes les grandes villes anglaises, la nuit, surtout en hiver, surprend dans la rue une foule de gens mourant de froid et de faim, sans un farthing pour acheter un morceau de pain, sans une pierre où reposer leur tête. Il faut donc des refuges ouverts à toute heure au premier venu. La plupart sont des lieux où l’on ne songerait pas à mettre un chien de quelque prix ; beaucoup n’ont pas de lumière, aucun n’a de feu, et quelques-uns exhalent une odeur intolérable même pour des hôtes dont les sens sont loin d’être délicats. Les pauvres créatures qui dorment là sur une planche sont réveillées à six heures pour aller dans la cour, où l’on casse des pierres, et, bien qu’épuisé de besoin, chacun doit travailler jusqu’à neuf heures. Alors on leur donne un pain de cinq livres et on les met dehors. Ceux qu’on sait ou qu’on soupçonne être déjà venus récemment ont à remplir leur tâche de travail comme les autres, mais toute nourriture leur est refusée. « Donner une pierre à qui demanderait du pain, dit à ce