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occidentales, et, pour une affaire industrielle, que de déclarer la guerre au peuple qui doit être son principal client. Cette extrémité nous sera sans doute épargnée. La compagnie de Suez s’armera de patience, et demandera le firman qui lui est nécessaire à Constantinople ; le gouvernement français la protégera de ses négociations. Lord John Russell, M. Gladstone et M. Milner Gibson, qui, en dignes libéraux, ont défendu autrefois le percement de l’isthme contre les préventions de lord Palmerston, fléchiront le premier ministre anglais. L’Angleterre elle-même entendra, il faut l’espérer, les avis éloquens de lord Brougham, qui, jouant le rôle du bon ange, vient de la mettre en garde contre les tentations du monopole. Nous le souhaitons du moins aussi vivement que nous voudrions voir la France mettre à profit les exhortations du noble vétéran parlementaire, lorsqu’il nous conseille de repousser le laurier de la guerre que nous présente l’éternel tentateur de notre race. e. forcade.


REVUE MUSICALE


Le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer a reparu au théâtre de l’Opéra-Comique le 15 octobre, après une suspension volontaire de plusieurs mois. Nous n’avons point à revenir sur une œuvre que nous avons longuement appréciée ici, et dont le succès est désormais un fait consacré. À Londres comme à Paris, on a rendu grandement justice à la nouvelle production d’un maître dont on peut ne pas approuver toutes les tendances, mais qui possède incontestablement la première qualité qu’on exige au théâtre, le don d’intéresser et d’émouvoir la foule assemblée. Nous faisons toujours nos réserves sur l’ouverture, que nous trouvons trop longue, trop compliquée d’incidens minutieux, manquant de clarté et d’unité d’effet ; d’autres morceaux, tels que le trio qui termine le second acte, pourraient être l’objet de quelques observations semblables. Ce qui est certain et ce que nous nous plaisons à redire, c’est que le Pardon de Ploërmel est l’ouvrage le plus facile et le plus mélodique qu’ait produit l’auteur illustre de Robert et des Huguenots. L’exécution, à l’Opéra-Comique, est encore meilleure qu’elle ne l’était dans l’origine. M. Faure surtout chante et joue d’une manière remarquable le rôle difficile et fatigant d’Hoël, et, quant à Mme  Cabel, sa voix n’a rien perdu de la trempe solide qui la caractérise. Tout va donc pour le mieux, et Meyerbeer fera bien de retourner maintenant sur le grand théâtre de ses succès.

Le Théâtre-Italien continue à dérouler les œuvres de son répertoire, et à produire le nouveau personnel qu’il tient en réserve. Un ténor inconnu jusqu’ici, M. Morini, dont le véritable nom est beaucoup moins euphonique, a débuté le 12 octobre dans il Giuramento, de Mercadante. La voix de M. Morini est agréable, quoique peu forte et dépourvue de flexibilité. L’émotion inséparable d’un début n’a pas empêché M. Morini d’être accueilli avec bienveillance par le public, qui lui a su gré de sa bonne volonté et de ses qualités naturelles. M. Morini, qui est très bon musicien, peut être fort utile à l’administration du Théâtre-Italien. Tout récemment on a repris aussi Rigoletto pour une nouvelle cantatrice, Mme  Dottini, qui s’est essayée dans le