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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/385

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ce qu’il pensait de son art, et de connaître là-dessus ses idées et sa manière de voir. C’est lui-même qui va nous le dire dans un passage de ses œuvres où il s’est peint au naturel, « Le temps que d’autres consacrent à l’étude des livres, je le donne tout entier, dit-il, à la méditation ; c’est mon habitude, et je m’inquiète moins de l’accord qu’il peut y avoir entre mes assertions et celles d’autrui que de savoir si les choses que j’avance sont ou non conformes à la vérité. Je suis ainsi fait, et telle est ma nature. » Cette confidence, précieuse à recueillir, est adressée à un confrère célèbre qu’il félicite, en termes chaleureux, d’avoir, malgré la variété et l’étendue de ses connaissances, préféré « à la poursuite des vaines spéculations l’étude des difficultés inhérentes, à la pratique : choses diverses, ajoute-t-il, et qui ne diffèrent pas moins entre elles que les graves occupations de la sagesse et les jeux frivoles de l’enfance, choses contraires aussi, et qui d’ordinaire semblent s’exclure. » Tout Sydenham est dans ces quelques lignes, qui révèlent admirablement les habitudes et les tendances de son esprit. Sydenham d’ailleurs était aussi instruit que peut l’être un médecin qui voit beaucoup de malades ; mais il pensait, non sans raison, surtout dans le temps où il vivait, que l’étude approfondie des systèmes qui se partageaient alors la médecine était peu utile à la pratique, et un homme occupé comme il l’était devait considérer comme perdu le temps donné aux disputes de l’école. Un trait de sa vie sert de commentaire à ce passage, et l’explique parfaitement. Un médecin, doué de plus d’imagination que de bon sens, demandait un jour à Sydenham par l’étude de quels auteurs il devait se préparer à l’exercice de l’art. « Mon ami, répondit l’illustre praticien, lisez Don Quichotte, » mot incisif et profond dont le sens véritable est que l’étude des livres ne saurait remplacer l’observation ni l’expérience, sans lesquelles il n’y a point d’art médical ni de vrai médecin. C’est à ces deux sources intarissables et incorruptibles qu’a puisé sans cesse l’école dont Sydenham est le chef, et qui a donné à la médecine ce nombre infini de sages et modestes praticiens dont l’esprit sensé s’est contenté et se contente encore de copier, d’imiter et de suivre la tradition des grands maîtres. Bordeu, à qui rien n’échappait, appelle ces médecins populaires ou cliniques ; il les considère comme des esprits imitateurs et copistes, « qui sont peut-être les plus sages et les meilleurs pour la pratique journalière de la médecine, » mais qui risqueraient, suivant lui, de tomber dans le pyrrhonisme, s’ils s’aventuraient hors de leur sphère et voulaient aller plus haut qu’ils ne sauraient atteindre. La remarque est juste, comme l’histoire le démontre.

C’est par les demi-savans que le scepticisme se glissa dans la médecine. Il importe de s’entendre sur le sens véritable que ce mot