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mais dans des conditions particulières qui les modifient d’une certaine façon, de sorte que la physiologie est normale ou pathologique, suivant qu’elle étudie les actes produits par des parties saines ou par des parties altérées. On voit à présent comment la médecine se rattache à la biologie.

Les maladies ne sont autre chose que des fonctions troublées, et la pathologie est véritablement physiologique. Il résulte de là que la médecine a dû suivre les destinées de la biologie, et c’est en effet ce qui est arrivé. Dans l’antiquité, on voit Galien, mettant à profit toutes les découvertes de l’anatomie et les notions accumulées depuis Hippocrate, faire un système de pathologie, et, dans son traité des Lieux affectés, résumer tout ce qu’on savait alors de la relation qui existe entre la maladie et l’organe malade. Il est juste de remarquer qu’avant Galien les méthodistes s’étaient préoccupés du siège des maladies, et avaient deviné toute l’importance de cette idée. Un curieux parallèle, où Sextus Empiricus, philosophe pyrrhonien, met en présence les méthodistes et les sceptiques, prouve que dans l’antiquité il y eut une école médicale qui, sans tomber dans les erremens des seconds, reconnut admirablement qu’il fallait renoncer à l’absolu et se tenir au relatif. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir Asclépiade, qui prépara cette école, dont le fondateur est Thémison de Laodicée, déclarer que la nature, entité abstraite, dont l’école d’Hippocrate avait proclamé l’autocratie, n’est pas seulement secourable, mais nuisible : non solum prodest natura sed etiam nocet, dit-il dans Cœlius Aurélianus. Cette opinion, très avancée pour le temps, explique très bien ce qu’Asclépiade avait coutume de répéter, à savoir que la médecine hippocratique était une méditation sur la mort, mot dur, mais qui ne manque point de justesse, car où la nature opère souverainement, l’art peut se dispenser d’intervenir, son intervention étant dès lors secondaire. Le fait est que la nature, synonyme ici d’économie, n’est en soi ni bonne ni mauvaise, et que son influence supposée est illusoire. Accorder à la prétendue nature médicatrice sagesse et prévoyance, c’est tomber dans un vice de logique. Cette providence de l’économie animale, inventée par les médecins spiritualistes, a favorisé les illusions de la médecine expectante et préparé la voie à la méthode thérapeutique de Samuel Hahnemann. C’est en effet dans la patrie de Stahl que l’homœopathie a pris naissance.

Le moyen âge ne changea point l’état de la biologie, faute de nouvelles connaissances anatomiques et physiologiques. En revanche, la thérapeutique et la matière médicale reçurent des accroissemens notables, en raison des découvertes géographiques et des travaux de l’alchimie. De cette époque date le règne de la polypharmacie, qui est l’usage immodéré et la multiplicité des remèdes, et