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Il reste maintenant à décrire les maladies et à les classer conformément à la notion fondamentale : le temps accomplira cette œuvre ; mais dès à présent la médecine est en possession d’une doctrine, et renonce naturellement aux systèmes divers qui l’ont tour à tour agitée, et dont l’étude appartient à l’histoire de l’art. Nous disons de l’art, et c’est à dessein que nous empruntons ce terme à Hippocrate. Ce grand médecin avait compris que la médecine n’est point une science ; elle ne peut l’être, et n’en prendra jamais le caractère. Ce que poursuit la médecine, ce n’est pas une vérité scientifique, mais un résultat pratique, qui est double : conservation de la santé, guérison des maladies.

L’importance scientifique de l’histoire des divers systèmes en médecine est incontestable : on peut en juger par ce rapide coup d’œil, et d’ailleurs nulle époque n’est peut-être mieux disposée que la nôtre à contempler la médecine dans son passé. Les écoles n’existent plus que de nom, et la tradition va tous les jours s’affaiblissant. Les vieilles doctrines ont encore des représentans, et ne manquent point de défenseurs ; mais chaque génération qui s’en va emporte avec elle une bonne partie des idées surannées, et chaque génération qui vient s’initie aux idées nouvelles. Que sont devenues les théories médicales de l’antiquité ? Elles appartiennent à l’histoire et à la critique, après avoir disparu sans retour. Où sont aujourd’hui la plupart des systèmes de médecine qui ont agité les écoles modernes ? où sont les solidistes et les humoristes, les galénistes et les hippocratiques, les naturistes, les animistes, les organiciens intrépides et les partisans si divers du vitalisme ? où sont les sectes et les partis, les dissidens et les orthodoxes ? Dans cette grande mêlée de la médecine contemporaine, il y a en somme plus de confusion que d’anarchie. Sous le calme apparent est la vie, et ces élémens de vitalité sont des élémens d’organisation. Laissons les empiriques s’attacher aux faits, à l’observation et à l’expérience : les découvertes se font aussi par eux ; à défaut d’œuvres magistrales, les mémoires et les monographies abondent, et les spécialistes même apportent leur contingent à ce labeur de préparation. On comprend enfin que l’éclectisme médical est une vision et un leurre. Quant au pyrrhonisme, il n’est aucun médecin sensé qui ose se vanter d’en faire profession, et l’on serait mal venu de notre temps à prêcher le scepticisme à l’exemple de Sextus, de Corneille Agrippa, de Sanchez et de Martin Martinez. C’est que la médecine est désormais en possession d’une doctrine, et qu’elle repose sur une science certaine ; par conséquent une philosophie médicale est possible. Chaque jour, les idées deviennent plus précises et plus nettes sur les propriétés des tissus et sur leur vitalité propre ; chaque jour ajoute à ce que l’on sait déjà des variations qu’éprouve cette vitalité sous