Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

efficace sur toute sorte de maux. Prenons un exemple : le mot cancer représente pour tout le monde une affection meurtrière et généralement réputée incurable. Or ce mot n’est qu’un terme générique, indistinctement appliqué, et par suite improprement, à des altérations diverses de la substance organisée. S’il demeure établi qu’aux altérations de diverse nature il faut appliquer des remèdes de diverse nature, il est absurde en bonne logique médicale d’admettre et même de supposer qu’un remède unique, efficace dans des cas bien déterminés, puisse convenir également à des affections différentes, bien que comprises sous le même nom. Il y a là une question de relation directe, ou plutôt de corrélation nécessaire entre l’agent et l’acte, question de causalité, parfaitement négligée dans les écoles, et pourtant capitale en physiologie et en thérapeutique, non moins importante pour l’intelligence des actes et des phénomènes de l’économie vivante à l’état normal que pour la parfaite connaissance de la production des maladies et de l’action des remèdes. Qu’est-ce en effet que la pathologie générale sans la science de l’organisation ? Or la pathologie générale, c’est la chaire philosophique par excellence, celle qui enseigne l’ensemble des doctrines qui constituent la philosophie médicale, et c’est précisément à cause de ses attributions qu’elle doit s’appuyer de toute nécessité sur la science mère qui sert de base à toute la médecine, et qu’elle doit s’aider aussi des notions historiques et de l’expérience du passé. Placée ainsi entre l’anatomie générale et l’histoire de la médecine, et acquérant dès lors un caractère à la fois plus scientifique et plus critique, elle sort de l’isolement fâcheux où elle est aujourd’hui, et son importance, qui est grande, s’accroît encore, se fortifie de l’aide de ses deux auxiliaires. On ne saurait bien comprendre en effet ce qu’il y a de plus élevé dans la médecine, si l’on ne l’embrasse tout entière, suivant le conseil d’Hippocrate, c’est-à-dire si l’on ne connaît à fond les derniers résultats obtenus par la science et si l’on ne sait pas en même temps comment on a pu, après une élaboration continue, arriver péniblement au terme actuel. Ce n’est pas tout : il y a des maladies qui ne nous sont connues que par l’expérience des anciens, et quand il n’y aurait que ce motif d’étudier le passé et de le bien connaître, il devrait être suffisant pour nous démontrer l’importance et l’utilité de l’histoire médicale. Aussi faut-il savoir beaucoup de gré aux deux auteurs du Dictionnaire de médecine d’avoir fait la part de la pathologie historique. C’est un complément précieux qui ajoute encore à la valeur d’une encyclopédie médicale, remarquable surtout par ses tendances et par l’unité des doctrines.

Des principes et l’unité, voilà ce qui manque à la médecine, telle qu’on l’enseigne aujourd’hui dans les écoles. Il est fâcheux pour