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suivre, de même qu’est devenu possible ce qui ne l’était point, savoir le jugement du passé par le présent, c’est-à-dire la critique médicale ou la philosophie médicale appliquée à l’histoire. Ce terme suprême a été atteint par l’application rationnelle et expérimentale de la physiologie à la pathologie. C’est le dernier système auquel la médecine puisse arriver, et depuis que ce système a pris consistance, tous les autres sont tombés en désuétude, n’ayant plus de raison d’être dans le présent. Aussi n’y a-t-il plus aujourd’hui diversité de partis ni de sectes, et parmi tant de médecins en renom, on ne saurait citer un chef d’école.

Que conclure de tout cela, sinon que le moment est venu de relire attentivement les annales de l’art pour les élever jusqu’à la majesté de l’histoire ? Notre siècle est propice aux travaux de cette nature, où l’esprit philosophique et critique trouve son emploi. D’ailleurs nous ne sommes pas uniquement entraînés de ce côté par un instinct de curiosité et de libre examen. Tout en avançant d’un pas rapide et précipité, nous reportons volontiers nos regards en arrière, et en mesurant l’espace parcouru et l’horizon sans limites, nous comprenons que l’avenir même est en partie dans le passé ; de fait, la tradition peut éclairer et affermir notre marche. La science moderne est sœur de la science antique, et celle-ci contenait en germe tous les fruits qu’a produits celle-là. Il ne faut pas chercher ailleurs le charme qui s’attache aux études historiques. Nous nous sentons entraînés vers les hommes des anciens temps, parce que nous venons d’eux ; nous leur devons ce que nous sommes : d’autres mains que les nôtres ont planté cet arbre de la civilisation que nos soins entretiennent, et il est juste que, nous abritant à son ombre, nous donnions un souvenir à ceux qui l’ont vu naître et qui l’ont cultivé dans ses jeunes années. C’est ainsi que le cœur intervient pour sa part dans les choses de l’esprit. D’ailleurs une fierté bien légitime se mêle à ce sentiment de gratitude. L’héritage transmis a reçu de nous de notables accroissemens. On ne sait pas encore, ou plutôt on oublie tout ce que l’humanité doit à la médecine et ce que les médecins de tous les temps ont fait pour le bien commun. Les services rendus par l’art médical sont une des plus belles pages de l’histoire. Aux épidémies meurtrières qui ravageaient jadis les populations, aux maladies dites pestilentielles qui se succédaient sans relâche et sévissaient avec furie, aux préjugés fanatiques, à l’ignorance superstitieuse qui condamnait à la torture ou au feu, à la potence ou à l’infamie, de prétendus sorciers, des possédés, des énergumènes, de pauvres malheureux dont la raison était aliénée, à tous les fléaux en un mot qui atteignent le corps et l’intelligence, une civilisation plus humaine a mis un terme ; mais si le mal a été amoindri,