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qui fauchent à la tâche les prairies, divisées en compartimens d’une étendue déterminée : outre la nourriture, qui est misérable, la tâche d’un jour ne leur rapporte que 50 centimes en moyenne, et ils doivent payer à peu près de 25 à 26 francs de loyer annuel pour la chaumière qu’ils habitent. Souvent ils travaillent une partie de la nuit et arrivent ainsi, moyennant un labeur excessif accompli pendant les grandes chaleurs, à faire double tâche.

Quand les ouvriers de ces différentes catégories ont femme et enfans, le fermier leur concède le diritto di zappa, c’est-à-dire le droit de cultiver pour leur compte une petite partie du fonds moyennant une prestation en nature toujours très élevée. Le travail effectué sur cette parcelle, en grande partie par la femme et par les enfans, diminue la pauvreté de la famille, quand les conditions de la concession ne sont pas trop dures, et quand on peut élever des vers à soie. M. le comte Arrivabene, qui a étudié avec soin le système de rétribution des travailleurs agricoles dans la Basse-Lombardie, signale avec raison comme une pratique des plus sages cette participation qu’on accorde aux ouvriers de l’agriculture dans les produits ; c’est un excellent moyen de les exciter à bien remplir leur tâche et de développer parmi eux le sentiment de la responsabilité. Il est seulement à regretter que l’association qui existe entre les fermiers et leurs employés soit trop restreinte et souvent aussi trop à l’avantage des premiers. L’ouvrier le mieux payé, le seul qui jouisse d’une certaine aisance, c’est celui qui fait le fromage, le casaro. Son salaire varie de 2 fr. à 2 fr. 70 c. Comme leur art est un secret, les casari forment une caste à part, qui a le sentiment de son importance et qui dicte ses conditions aux fermiers. Le sotto casaro a les deux tiers de la rétribution de son maître. Pour s’affranchir des exigences des casari, quelques fermiers vendent leur foin aux mandriani qui descendent des hauteurs pour faire hiverner leurs troupeaux dans la plaine, et d’autres vendent le lait à des casari établis en qualité de fabricans de fromage. Comme la population fixe est trop peu nombreuse pour faire face à certains travaux qui doivent être promptement terminés, les grands fermiers ont recours à des ouvriers étrangers qui viennent des bourgades ou des montagnes. Le salaire de ces ouvriers varie de 90 c. à 1 fr. 50 c. par jour avec la nourriture, et de 1 fr. 05 c. à 1 fr. 70 c. sans la nourriture. En somme, quoique la terre de la plaine soit beaucoup plus fertile que celle des hauteurs, on ne peut pas dire que la condition de ceux qui la cultivent soit meilleure ; seulement, grâce à cette fertilité plus grande, deux classes de personnes peuvent vivre affranchies du travail manuel dans la plaine, tandis que dans la montagne une seule jouit de cet avantage.