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une autre sans nul regret. Ayant l’esprit moins ouvert, il est plus superstitieux, et en général il est aussi moins instruit. Comme il vit dans une dépendance continuelle de ceux qui l’emploient, le sentiment de la liberté et de la dignité humaine est étouffé. La prévoyance étant peu éveillée chez lui, il se marie vite et il se réjouit d’avoir beaucoup d’enfans qu’il ne devra pas chercher à placer, et qui seront salariés comme lui. Sans les ravages de la fièvre paludéenne, la population tendrait probablement à s’accroître ici dans une proportion inquiétante. Les liens de famille sont aussi plus relâchés dans la plaine que sur les hauteurs, et généralement la sociabilité est moins grande. Les cas de maraudages et de vols ruraux, qui s’étaient beaucoup multipliés dans les dernières années de la domination autrichienne, sont encore très rares dans les montagnes, et ils deviennent plus fréquens à mesure qu’on descend vers la région de la grande culture. Ainsi, par un singulier et fâcheux contraste, plus la terre est fertile, moins la condition de ceux qui la cultivent est favorable, et c’est aux environs de Milan, dans les districts où l’on trouve le sol le plus productif de l’Europe, les marcite, que se rencontrent les travailleurs agricoles les plus misérables de la Lombardie. Des faits observés dans ce pays, il résulte donc manifestement que la culture exercée par des hommes intéressés et responsables est plus favorable au bien-être et surtout à la moralité et à l’instruction du peuple que la culture exécutée par des salariés.

Il faut aborder enfin une seconde question, non moins controversée que la précédente : quels sont, au moins pour la Lombardie, les avantages et les inconvéniens du métayage, qui a été attaqué par les uns, défendu par les autres, et parfois tour à tour attaqué et défendu par les mêmes écrivains ? Le métayage, la colonia partiaria, que les peuples de l’Europe méridionale semblent avoir hérité des Romains, ne s’est jamais étendu dans le nord, et en France ce contrat ne dépasse guère la Loire. Le fait peut s’expliquer, soit par l’influence plus grande qu’exercent les traditions latines dans le midi, soit par une disposition particulière aux peuples méridionaux, qui ne peuvent être amenés à travailler activement que par l’espoir de participer au produit. Quand le travail exige des soins assidus et vigilans, alors il paraît même qu’il est absolument nécessaire d’y intéresser les travailleurs, du moins en Italie. C’est pour cette raison que dans les provinces lombardes, où la terre est cultivée par des salariés, le système du partage des produits est appliqué à l’élève des vers à soie. La coutume du métayage en Lombardie s’explique donc, en partie du moins, par le genre de culture dominant, et, comme nous l’avons montré, la petite culture, même par métayers, donne des résultats plus favorables que la grande culture par des fermiers employant des salariés. Il est vrai que des petits