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correctionnelle, de quitter le service prussien. La Prusse avait en 1850 pris parti pour les Hessois contre leur scandaleux gouvernement, dont l’Autriche avait épousé la triste cause. Le conflit allait arriver jusqu’au choc militaire des deux grandes puissances allemandes, lorsque la Prusse, battant en retraite, fut obligée, sous la pression de la Russie, de céder aux exigences de l’altier ministre autrichien, le prince Félix Schwarzenberg. La Prusse veut-elle effacer aujourd’hui la disgrâce d’Ollmütz ? Certes les chances sont en ce moment pour elle. Ce n’est plus le vacillant Frédéric-Guillaume qui est à la tête du gouvernement ; c’est le prince régent, dont la fierté fut si affectée par les humiliations de 1850. Le cabinet actuel de Berlin, bien qu’il n’ait point fait encore ses preuves de résolution et d’énergie, n’a pas hérité sans doute de la pliante humilité de M. de Manteuffel.

L’entrevue intime de Breslau est la contre-partie des sévères admonitions que l’empereur Nicolas lançait à la Prusse en 1850. La Prusse peut donc prendre sa revanche du douloureux échec que lui a valu, il y a dix ans, la Hesse électorale. Voici que la question renaît aujourd’hui : c’est toujours la constitution hessoise de 1831 qui est l’objet du litige. Après Ollmütz, le procès fut fait à cette constitution, qui de 1831 à 1849 avait paisiblement fonctionné, sans que, dans cette longue période de réaction, la diète y eût rien trouvé à redire. Enfin le 27 mars 1852 la diète décida que cette constitution était dans ses dispositions essentielles en contradiction avec la loi fédérale et devait être abolie. L’électeur de Hesse fut invité à octroyer une constitution nouvelle, et, après s’être concerté avec des chambres élues en vertu d’une loi électorale également octroyée, à soumettre la constitution à la sanction définitive de la diète. Voilà sept ans que la constitution de 1852 est l’objet d’interminables débats entre le gouvernement et les chambres de la Hesse électorale sans que l’électeur et son parlement se puissent mettre d’accord sur plusieurs points importans. L’affaire a donc été soumise de nouveau à la diète fédérale et renvoyée par celle-ci à l’examen d’une commission qui vient de formuler des propositions qu’elle croit de nature à concilier les prétentions rivales. Or, avant le vote de la diète, la Prusse a adressé aux divers gouvernemens fédéraux un mémoire dans lequel elle prouve que la constitution de 1831 n’avait pu être abolie par le vote de la diète du 27 mars 1852, que ce vote l’avait seulement suspendue, et que, puisque le gouvernement et les chambres de la Hesse électorale n’ont pu s’entendre sur une constitution nouvelle, il ne reste d’autre solution que de revenir à l’ancienne. La conclusion de la Prusse est donc que la constitution soit remise en vigueur, et qu’on laisse au gouvernement et aux chambres de Hesse le soin de supprimer les dispositions qui seraient contraires au droit fédéral. À la publicité donnée au mémoire prussien, l’Autriche vient de répondre en publiant un mémoire sur la même question qu’elle avait adressé, vers la fin du mois dernier, à ses confédérés. Sur le point de droit, le cabinet de Vienne ne partage pas l’opinion de la Prusse : il soutient que la marche proposée par celle-ci serait contraire et à l’autorité de la diète germanique et aux vrais intérêts de la Hesse électorale, et que c’est dans la constitution de 1852 qu’il faut chercher les élémens d’un arrangement. Voilà quelle affaire agite en ce moment l’Allemagne, divise la diète, et met aux prises la Prusse et l’Autriche. L’on n’ira point assurément aux mêmes extrémités