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Ainsi qu’un amoureux au premier rendez-vous.
Je marchais, m’enivrant de ce charme si doux
De revoir les objets et de tout reconnaître,
Là ce vieux pan de mur, ici cette fenêtre.
Les souvenirs vibraient en moi-même, et leur voix
Semblait le son lointain d’un cor au fond des bois.
À mes yeux, tout à coup la demeure de Blanche
Montra ses murs noircis et son pignon qui penche.
Je frappai doucement. Pour l’ami revenu,
La grand’porte s’ouvrit avec un bruit connu.
— Entrez ! dit une voix. Et dans la cour humide,
Dont les toits encadraient un coin d’azur limpide,
Je vis le vigneron taillant des échalas.
— Bonjour, monsieur !… Mais non, je ne me trompe pas,
C’est lui ! s’écria-t-il ; Blanche, Blanche, viens vite,
Viens voir un revenant qui nous fait sa visite !…
Sur le seuil éclairé par un rayon vermeil,
Blanche apparut soudain, rieuse, en plein soleil,
Blanche, belle à souhait. La féconde jeunesse
De son enfance avait tenu chaque promesse.
Le frais bouton d’avril s’était épanoui,
Et de sa floraison l’œil était ébloui.
Ses cheveux noirs ondés et roulés en torsade,
Ses yeux bleus, son teint mat, ses lèvres de grenade,
Son cou blanc et son sein gonflé de purs trésors,
Tous ces charmes formaient de si parfaits accords,
Que je bénis tout bas Dieu, qui créa les roses
Et qui mit dans un corps tant d’admirables choses.
Après les questions et les étonnemens,
Et tous les souvenirs de nos bonheurs d’enfans,
Elle me conduisit dans sa petite chambre,
Qu’emplissait de clartés le soleil de septembre,
Et me fit raconter mes rêves, mes projets.
Alors, comme, à mon tour, moi je l’interrogeais :
— Oh ! dit-elle, pour moi, la vie est radieuse,
Tous mes vœux sont comblés, et je suis trop heureuse !…
Puis, plus bas, rougissant et me serrant la main :
— J’aime un brave garçon que j’épouse demain.


III


Le lendemain matin, la blanche mariée,
Par le gai carillon des cloches saluée,
Arriva dans l’église au bras de son époux,
Un robuste jeune homme, à l’air pensif et doux.