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les premières terres qui, réunies entre elles par des formations successives, devaient constituer plus tard une île importante. Le sombre groupe des montagnes cambriennes et siluriennes ébauchaient dans cette nuit des âges la région du Shropshire et du pays de Galles. Le vieux grès rouge, dans lequel s’intercalaient des masses de marbre et de calcaire ardoisier, jetait les membres cyclopéens des provinces connues maintenant sous le nom de Devonshire, de Cornouailles et de Herefordshire ; mêlé à des roches de gneiss et de granit, il soulevait en Écosse la chaîne du Great-Grampian. Les montagnes de calcaire magnésien, ancien lit d’un océan qui avait vu naître et mourir la flore carbonifère, construisaient l’assise gigantesque du Derbyshire et d’une partie de l’Irlande. Quelques faibles bandes de roches perméennés dessinaient les comtés futurs de Nottingham et d’York. Quoique la physionomie de l’Angleterre, depuis là fin de l’époque dite primaire ait été altérée, changée, bouleversée par des accessions de roches nouvelles, par des mouvemens de la mer et surtout par l’action du temps, on peut jusqu’à un certain point se représenter à distance les principaux traits de ce chaos océanique. Cependant la nature allait faire un pas en avant. Entre le nouveau grès rouge et l’âge perméen, auquel les trias succèdent dans la série des faits géologiques, se creuse un fossé de séparation plus marqué qu’entre les mondes appartenant à la division primaire. Nous sommes ici sur la lisière d’un changement de système. Les races premières-nées ont disparu et sont remplacées, en partie du moins, par une création nouvelle qui se continuera d’époque en époque durant toute la formation dite secondaire. Avec l’ère perméenne finit une longue et grande période, l’antiquité ; avec le terrain triasique commence le moyen âge des êtres éteints. S’il était permis de comparer l’étude des roches à celle des monumens, le nouveau grès rouge marquerait quelque chose comme le passage de l’architecture romane à l’architecture gothique.

Avant d’être un terrain, le nouveau grès rouge était une mer, ce n’était pourtant déjà plus un de ces océans profonds et farouches comme ceux au fond desquels avaient reposé les roches siluriennes et dévoniennes. On a pu s’en assurer par la nature des mollusques univalves découverts à l’état fossile dans les roches de cette époque, et qui indiquent que la mer s’avançait alors en s’abaissant vers des côtes. Il y avait des plages : sur le sable mou et humide, d’étranges reptiles ont passé. Les empreintes de pied ont de tout temps joué un grand rôle dans les enquêtes judiciaires, les aventures de voyage et les romans : on se souvient de Zadig et de Robinson Crusoë. Si la vue de tels vestiges marqués sur le sable est bien faite pour étonner le voyageur dans les contrées désertes, le géologue,