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on obtient d’une chaudière contenant 1,300 gallons d’eau de mer quinze ou seize boisseaux de sel en vingt-quatre heures.

Ces travaux, salt-works, sont très anciens ; en 1128, ils furent concédés sous forme de donations aux abbayes. Plus tard, les Français qui étaient à la cour de la reine Anne perfectionnèrent, dit-on, les salines écossaises, et obtinrent en conséquence, pour la couronne d’Angleterre, un privilège exclusif qui dura jusqu’au règne de Charles II. Un fait curieux est que, jusqu’en 1776, les ouvriers en sel ainsi que les hommes employés dans les mines de charbon de terre étaient esclaves. Il paraît même qu’ils aimaient leur servitude. Quand par hasard on obtenait pour eux du parlement un acte d’émancipation, ils se révoltaient contre cette liberté. C’était, disaient-ils, une ruse de la part des maîtres, qui voulaient ainsi s’affranchir d’un léger tribut consacré par l’usage. La coutume était en effet que quand l’esclave prenait femme, le maître lui fît un cadeau. Aujourd’hui les sauniers écossais forment une libre et rude population, presque aussi noire que celle des mineurs. Je ne m’arrêterai d’ailleurs point à des travaux qui, en face des sources et des mines anglaises de sel, ont conservé peu d’importance.

Ces sources salées et ces mines de sel se rencontrent isolées les unes des autres sur différens points du Cheshire et du Worcestershire ; mais c’est seulement à Northwich qu’elles se montrent réunies. Cette petite ville, entourée d’un paysage bien anglais, qui découvre par instans des perspectives charmantes, s’élève sur les bords du Weaver, une assez jolie rivière qui coule sur un lit de marne, et qui tout près de là court se marier avec le Dane. Il y a deux églises, dont l’une, perchée sur une élévation de terrain et bâtie en grès rouge, salue de loin le voyageur en lui montrant le ciel du bout de sa flèche. La ville par elle-même n’a rien de remarquable ; là seule chose qui me frappa en arrivant, c’est l’état ruineux des habitations. Dans l’hôtel de l’Ange, où je descendis, — et qui est, je crois, le seul hôtel de la ville, — l’escalier chancelait comme un homme ivre, et les murs de ma chambre, à moitié disjoints, semblaient, selon l’expression d’un écrivain anglais, vivre en mauvaise intelligence avec le plancher. L’hôtelier m’avertit pourtant d’un air très sérieux que c’était une des maisons les plus solides de Northwich. Je fus bientôt forcé de partager son opinion, car, en me promenant dans certaines rues, j’avisai des toits qui ne posaient plus sur les logis, des murs de brique fendus, déchirés, des fenêtres déjetées qui prenaient les formes les plus bizarres, des tuyaux de cheminée qui laissaient sortir à mi-chemin la fumée par de larges crevasses. J’entrai par curiosité dans un public-house situé beaucoup plus bas que le niveau de la rue, et dont les lignes d’architecture