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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/796

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LA FILEUSE
RECIT DU BOCAGE



I

Pendant les premières années qui suivirent la restauration, la partie de la Vendée que l’on nomme le Bocage présentait un aspect à la fois triste et souriant. Partout, dans les bourgs et à travers la campagne, on apercevait des maisons à moitié écroulées et désertes, dont les murailles chancelantes, soutenues à peine par des poutres noircies, tremblaient au vent d’automne. Dans presque toutes les paroisses se dressaient les ruines des châteaux brûlés pendant les guerres de la révolution, tours lézardées servant de retraite aux chouettes et aux éperviers, donjons chargés de lierre autour desquels s’ébattaient durant les beaux jours des volées d’hirondelles et de martinets. Au milieu de l’eau stagnante des douves remplies de joncs, on entendait le cri sourd de la jodelle ralliant ses petits. Cependant à côté de ces muets témoins d’une époque désastreuse s’édifiaient de nouvelles demeures, mieux construites et plus spacieuses que les anciennes. En face des manoirs féodaux qui ne devaient plus se relever de leurs ruines, au pied de ces édifices gigantesques saccagés par les colonnes républicaines, de grandes métairies toutes neuves montraient à travers les arbres leurs toits de briques rouges. Le pays se repeuplait rapidement sous l’influence d’une paix profonde : après de si longues et de si terribles tempêtes, chacun croyait à la durée du calme. Les fils des glorieux descendans de la grande armée vendéenne, race laborieuse et soumise, rendaient la vie et