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Cette vérité, si patiemment étudiée et rendue, n’affecte-t-elle pas dans de certains cas une simplicité d’expression un peu morne, une sorte de placidité pittoresque qui avoisine la langueur ? N’eût-il peint que ses portraits, M. Mandrin serait encore un artiste très éminent, le plus éminent même, dans ce genre spécial des peintres contemporains, après M. Ingres ; toutefois le rang qu’il conviendrait de lui assigner, il le mériterait surtout à titre de talent bien informé, d’observateur savant des règles et de la méthode. Dans le domaine de la peinture religieuse au contraire, ce talent, qui tout à l’heure procédait presque exclusivement de la science et du goût, emprunte en grande partie sa force à l’émotion de la pensée. Sans rien perdre en correction, sans se départir de ses coutumes discrètes, il acquiert, même au point de vue de l’exécution, une aisance et une franchise imprévues ; il traduit sincèrement ce qu’il a sincèrement senti. On devine en un mot devant ces peintures à la gloire de Dieu et de la foi catholique que celui qui les a faites ne s’est ni imposé un rôle, ni prescrit une tâche purement pittoresque : mérite rare chez les peintres de notre école qui ont entrepris de pareils travaux, non-seulement depuis le commencement du siècle, mais même à d’autres époques et dans les diverses phases que l’art a traversées.

Il faut le reconnaître en effet, — et nous rappelions récemment ce fait à propos des tableaux d’église exposés au salon, — de tous les genres de peinture qu’a traités l’école française, la peinture religieuse est celui où elle soutiendrait le plus difficilement la comparaison avec les écoles étrangères. Des peintres d’histoire comme Poussin, Lebrun et David, pour ne citer que ces trois noms, — des paysagistes comme Claude le Lorrain et Gaspard Dughet, — des peintres de portrait comme Philippe de Champagne, Rigaud, Tournières et vingt autres, sans compter nos vieux portraitistes anonymes, prédécesseurs ou contemporains de Dumonstier, — enfin les nombreux peintres de genre qui depuis Watteau jusqu’à Granet ont frayé ou parcouru une voie que plus d’un encore suit avec honneur aujourd’hui, — de tels artistes peuvent être à bon droit salués du titre de maîtres. Au contraire, les plus remarquables entre ceux qui ont abordé les sujets sacrés n’ont que le rang et l’importance d’hommes de talent. Les uns, Jouvenet, Mignard ou Doyen par exemple, se sont montrés praticiens habiles en promenant sur les murs des églises ou sur la toile leur pinceau tantôt robuste, tantôt brillant. D’autres, et le grand Poussin lui-même est un de ceux-là, ont envisagé avant tout dans les scènes bibliques le côté historique et humain. Interprété, il est vrai, avec une puissance de raison et une sagacité singulières, le fait est devenu sous leur main l’objet et la fin du travail, au lieu d’en être seulement le principe et de