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du Val-de-Grâce jusqu’aux voûtes de la chapelle de Versailles, depuis le Christ aux Anges de Lebrun jusqu’aux tableaux de Boulogne et de Coypel, bien des témoignages subsistent qui nous dispenseront d’insister. Contraste singulier toutefois : cette époque par excellence du luxe et de la faconde pittoresques nous a légué une toile tout empreinte d’onction et de simplicité, un véritable chef-d’œuvre d’expression pieuse, — l’Ex-voto peint par Philippe de Champagne en souvenir de la guérison miraculeuse de sa fille : morceau bien supérieur non-seulement aux productions contemporaines, mais même aux autres travaux du peintre, et le seul dans l’école française qu’il soit permis de rapprocher des tableaux de Lesueur.

Lesueur pendant tout le cours de sa vie, Philippe de Champagne à un certain jour de la sienne, tels sont les représentants les plus purs de la peinture religieuse en France au XVIIe siècle. Dans le siècle suivant, quels noms citer ? quelle œuvre choisir entre tant d’œuvres fardées qui, même de loin, se ressente des inspirations de la foi ? Où recueillir je ne dirai pas une preuve, mais un indice de quelque pensée élevée, de quelque intention sérieuse ? L’école de cette époque compte aujourd’hui de nombreux défenseurs : avocats souvent imprudens qui, à force de se passionner pour la cause qu’ils soutiennent, oublient même de faire la part des torts de leurs cliens, et transforment volontiers en actes méritoires des faiblesses tout au plus excusables. Nous doutons cependant que les plus ardens apologistes de l’art français au temps de la régence et sous Louis XV poussent l’indulgence ou le courage jusqu’à en justifier les impertinences là où il se fait l’interprète des livres sacrés. Si, après une période de dédain excessif, il y avait justice dans une certaine mesure à réhabiliter de nos jours les pastorales de Watteau et même à la rigueur les bergeries de Boucher, ce serait commettre une profanation peut-être, et certainement se donner un ridicule, que de prendre au sérieux les Apôtres et la Nativité de l’un, ou la Sainte Famille de l’autre.

Sans répudier au fond ces traditions vicieuses en honneur depuis le commencement du siècle, la peinture religieuse, vers la fin du règne de Louis XV et sous le règne de Louis XVI, eut quelquefois un caractère moins ouvertement futile et des formes moins dépravées. On sait l’extrême habileté de Doyen et les velléités de réforme qui valurent un moment à Vien la réputation d’un chef d’école. Le Miracle de la peste des Ardens, peint par le premier pour l’église Saint-Roch à Paris, la Prédication de saint Denis, peinte par le second en pendant au tableau de Doyen, sont deux toiles d’autant plus recommandables qu’elles ressemblent moins aux œuvres contemporaines.