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l’estime que s’accommoder du repos. Sans compter de nombreux portraits, dont quelques-uns seulement ont été exposés aux divers salons, les peintures monumentales qui décorent l’église Saint-Paul à Nîmes, le chœur de Saint-Germain-des-Prés et la frise de Saint-Vincent-de-Paul à Paris, de telles œuvres prouvent assez la fécondité de l’artiste, et quels progrès il lui était réservé d’accomplir. Nous n’avons pas à revenir sur l’examen détaillé de ces différens travaux, à relever des mérites signalés ici même, à l’apparition de chaque œuvre nouvelle, par les juges les plus autorisés[1]. Qu’il nous soit permis seulement de faire remarquer dans l’ensemble des peintures religieuses de M. Flandrin le développement continu des qualités qu’annoncent ses premiers ouvrages, d’insister sur les perfectionnemens de sa manière, plus harmonieuse d’année en année, plus ample et plus sûrement expressive à mesure que les occasions se multiplient, ou que le champ livré au pinceau s’élargit. Nul faux pas, nul temps d’arrêt dans la marche de ce talent ; point d’hésitation d’aucune sorte, ni de démenti au passé. Les progrès se poursuivent en raison même de la succession des travaux, et pour établir avec certitude la chronologie des œuvres de M. Flandrin, il suffirait, en pesant la somme de mérite qui les distingue relativement, d’assigner toujours aux meilleures d’entre elles la date la plus récente. Ainsi que l’on rapproche les figures de femmes que M. Flandrin traçait, il y a quatorze ans, dans le chœur de Saint-Germain-des-Prés des Vierges sages peintes trois ans plus tard dans le chœur de Saint-Paul de Nîmes, et celles-ci de la procession des Saintes qui se déroule sur les murs de Saint-Vincent-de-Paul à Paris : les premières, les trois figures entre autres qui personnifient les vertus théologales, révèlent déjà une véritable aptitude à concilier le charme de l’expression avec la sévérité de la forme ; mais ici l’harmonie de ces deux qualités semble encore résulter un peu trop de l’effort. Quelque chose de laborieux dans le style vient parfois appesantir la grâce des intentions et comme engourdir la douceur des physionomies et des gestes. Rien que d’aisé au contraire, rien que de tranquille sans froideur et d’élégant sans recherche dans le groupe des Vierges sages, et pourtant cette expression de chaste élégance, cette poétique sérénité des lignes seront plus sensibles, plus heureusement rendues encore là où M. Flandrin aura eu à peindre les saintes femmes, les vierges, les martyres et les saintes pénitentes. Ajoutons que ces soixante figures de femmes s’avançant, le long de la frise de Saint-Vincent-de-Paul, dans un ordre forcément symétrique, laissaient bien moins de ressources à

  1. Voyez la Revue du 1er juillet 1846, du 1er mai 1849 et du 1er décembre 1853.