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de la pratique. La peinture murale s’accommode mal des indications rapides, des hasards de la touche ou du coloris. Ici nul escamotage possible, pas de sous-entendu ni d’à-peu-près. Telle difficulté adroitement esquivée sur une toile de quelques pieds voudra être abordée en face et formellement résolue sur une vaste muraille ; telle intention spirituelle dans un tableau voisin du regard s’anéantit ou devient mesquine à la distance où sont placées les compositions monumentales. De là les conditions de décision et de largeur imposées à celles-ci, de là aussi la prééminence des travaux à fresque sur les œuvres sans destination architecturale fixe, sur les tableaux peints conformément au moyen popularisé par van Eyck.

Il ne faut pas sans doute s’autoriser plus que de raison du mot dédaigneux de Michel-Ange, qui abandonnait l’emploi des couleurs à l’huile « aux femmes et aux paresseux. » On peut dire cependant que, pour être tout à fait viril, ce mode de peinture a besoin des exemples de la peinture monumentale, et que là où ces exemples font défaut, — en Angleterre, en Hollande même, quelque éclatante exception que fasse le génie de Rembrandt, — les tableaux gardent en général une signification assez humble et une valeur toute d’agrément. Partout au contraire où la fresque a été en usage, la peinture à l’huile, initiée ainsi aux secrets des nobles interprétations et du grand style, s’est maintenue dans les hautes régions de l’art. Le pinceau a continué sur la toile les traditions pittoresques définies et consacrées sur les murs, et, pour ne rappeler qu’un fait entre les plus connus, on sait quelles leçons a fournies aux maîtres italiens du XVIe siècle la chapelle peinte par Masaccio dans l’église del Carmine, à Florence. À plus forte raison, les tableaux ont-ils dans l’exécution un caractère exprès de certitude et de grandeur, lorsqu’ils sont l’œuvre d’artistes familiarisés par l’expérience personnelle avec les lois sévères de la peinture murale. Raphaël lui-même n’a-t-il pas peint ses plus admirables toiles après l’époque où il avait entrepris de décorer les Stanze du palais pontifical ? Si le Sposalizio et la Mise au Tombeau servent de préface à la Dispute du Saint-Sacrement et à l’École d’Athènes, — la Madone de saint Sixte, la Vierge de Foligno, la Vision d’Ezéchiel, apparaissent comme la conclusion de ces œuvres monumentales, comme l’expression souveraine des progrès accomplis par Raphaël durant la période de ses travaux au Vatican. À Florence et à Parme depuis Fra Angelico jusqu’au Corrège, à Padoue depuis Mantegna jusqu’à Titien, à Naples, à Bologne, depuis le Zingaro jusqu’au Dominiquin, quel maître citer qui n’ait dû à la pratique de la peinture murale une manière plus large et des ressources d’exécution plus sûres ? En France, où les essais de peinture à fresque proprement dite ont été infiniment plus rares