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quelle avait été la part exacte de chacun de ces écrivains dans l’édifice de la doctrine économique : question insoluble et superflue ! Qui peut compter la multitude des sources qui contribuent à former un ruisseau, et la multitude des ruisseaux qui contribuent à former un fleuve ?

Parmi les trois royaumes, réunis sous le sceptre de la Grande-Bretagne, l’Écosse est celui que son génie et son histoire préparaient le plus à devenir le berceau préféré de l’économie politique. Après avoir fait remarquer que l’Écosse a commencé par être profondément religieuse, M. Cousin ajoute, dans son Cours d’histoire de la Philosophie : « Du sein de ces fortes croyances est sorti un peuple resté toujours fidèle à la cause de la liberté en religion et en politique, éclairé et brave, honnête et sensé, à la fois modéré et opiniâtre, qui a joué un rôle particulier dans les révolutions de la Grande-Bretagne. » L’Écosse n’a en effet passé par aucun des excès contraires que l’Angleterre a dû traverser avant d’arriver au gouvernement qui fait sa force et sa gloire. Dès 1640, les covenantaires écossais étaient en pleine insurrection contre le pouvoir absolu ; mais ils se gardèrent bien de prendre part à la tragédie de 1649, et, au lieu de tremper ses mains dans le sang de Charles Ier, le parlement écossais intercéda inutilement en faveur de la royale victime. En revanche, quand le peuple anglais expiait plus tard, sous Charles II, ses emportemens démocratiques par les folies d’un despotisme corrupteur, d’intrépides Écossais entretinrent par des révoltes non interrompues l’esprit d’indépendance qui devait triompher en 1688. M. Cousin termine ce beau portrait historique par ce trait qui peint parfaitement l’Écosse de nos jours : « Nulle part la créature humaine n’est plus éclairée ni plus honnête, et par conséquent plus vraiment heureuse. » Au milieu du XVIIIe siècle, l’Écosse possédait à la fois une réunion d’hommes éminens qui jetaient sur elle un éclat presque sans égal dans le reste de l’Europe. Trois noms surtout brillaient au premier rang : David Hume, l’historien de l’Angleterre, le philosophe successeur de Locke ; le docteur Robertson, historien de Charles-Quint, de l’Écosse elle-même et de l’Amérique, et Adam Smith. Après eux venaient Ferguson le moraliste, le chimiste Black, le critique Blair, l’agronome lord Kames, etc.

Le comté de Fife, cette verte péninsule qui s’avance dans la mer, en face d’Edimbourg, entre l’embouchure du Forth et celle du Tay, est peut-être la partie la plus riante de la Basse-Ecosse. Tous les rois de la maison de Stuart, depuis Jacques Ier jusqu’à Jacques VI, y avaient leur résidence favorite dans le manoir champêtre et féodal de Falkland. Pennant, qui le visitait en 1772, en fait une description enthousiaste. « Ce pays, dit-il, est si populeux, qu’à part