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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/90

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Il en faut dire autant, dans les études historiques, des nombreux récits qui rentrent dans la catégorie des récits miraculeux. Il est dorénavant impossible de se passionner pour ou contre eux. On ne peut plus dire que le contraire des lois de la nature soit la preuve de la présence et de l’action de Dieu. L’intérêt apologétique ou anti-religieux que l’on attachait auparavant à les maintenir ou à les nier a disparu. Un fait merveilleux est raconté. Est-il réel ? est-il fictif ? est-il légendaire ? est-il un fait ordinaire transformé en fait exceptionnel par des yeux ou des mémoires enthousiastes ? La réponse à toutes ces questions est du ressort de la critique historique. En tout cas, ce récit est un irrécusable témoin de la situation d’esprit dans laquelle se trouvaient ceux qui l’ont propagé et ceux qui l’ont admis. Quelque système d’explication qu’on adopte, ce qui est certain, c’est que Dieu se cherche et se trouve partout ailleurs que dans l’interruption brusque et arbitraire de sa volonté permanente. Les lois sont désormais d’autant plus divines qu’elles sont plus immuables. Il est permis d’espérer que les amis et les adversaires des religions traditionnelles finiront par le comprendre, et ne se combattront plus pour un fantôme sans réalité.

Ce serait s’écarter beaucoup trop du cadre de cette étude que d’indiquer les puissantes raisons que peuvent alléguer les amis du christianisme moderne pour démontrer combien cette manière de concevoir les choses religieuses est profondément chrétienne, combien elle est conforme à la pensée originale qui a présidé à l’apparition du christianisme dans l’histoire. Ce serait pourtant le seul moyen d’obvier à plus d’une objection qui ne manquera pas de s’élever contre une telle idée dans le camp religieux et dans le camp philosophique. Il est à présumer qu’aux uns tout ce qui vient d’être dit paraîtra confiner à l’incrédulité la plus radicale, que les autres y verront une tentative mal justifiée de repeindre les édifices gothiques avec des couleurs empruntées à une philosophie toute récente. Telle est d’ailleurs une des conditions les plus ordinaires du progrès de la pensée dans les choses spirituelles. Toujours le point de vue supérieur qui s’élève du sein de l’antagonisme précédent est accusé d’impiété par les uns, de superstition par les autres.


III

S’il est parmi nos écrivains d’aujourd’hui un vaillant précurseur de la renaissance que nous appelons de tous nos vœux, un homme qui, par sa libre et pénétrante érudition, par ses facultés d’artiste, par l’indépendance ordinaire de ses jugemens, soit capable d’élever le niveau de nos connaissances religieuses, et de venger la science française des dédains injustes dont elle était depuis trop longtemps