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résultent, commissaire et vizir s’appliquant, comme tous les courtisans de ce bas monde, à ne faire entendre à leur souverain que le moins possible de vérités déplaisantes. Les mêmes raisons qui déterminent la diplomatie européenne à vouloir pénétrer jusqu’à Pékin existent à l’égard de Fez, car le système d’isolement est exactement pareil.

Dans son traité, l’Angleterre s’est fait accorder implicitement cette faculté, en stipulant que ses consuls pourront résider dans tel port ou ville de l’empire que choisira le gouvernement britannique. Les traités avec les autres puissances ne permettent que la résidence dans les ports. Malgré cette autorisation, la nation qui est représentée par des agens à Ghedamès et à Mourzouk, au cœur du Sahara, s’est abstenue d’envoyer jusqu’à présent des représentans soit à Fez, soit à Maroc. Dans de nouvelles négociations qui suivraient les succès de la guerre, l’Angleterre, l’Espagne et la France pourraient réclamer et obtiendraient certainement, avec la faculté de résidence, celle qui lui donne tout son prix, le règlement des affaires avec les propres ministres du sultan, et au besoin avec le sultan lui-même, sans qu’il fût nécessaire de recourir comme aujourd’hui, pour arriver jusqu’à ce dernier, à une ambassade extraordinaire. Encore une audience de dix minutes est-elle tout ce que les ambassadeurs ont jamais pu obtenir en pareil cas. En 1844, après l’affaire de Mogador, Abd-er-Rahman aima mieux se rendre de sa personne à Rabat qu’autoriser un représentant de la France à se rendre à Fez. On transigea sur ce point comme sur celui des frais de la guerre, parce qu’à cette époque le véritable ennemi à réduire était Abd-el-Kader, dont le déclin immédiat, suivi trois ans après de sa soumission personnelle, prouva que la modération avait été d’un excellent calcul ; mais la condescendance n’aurait plus aujourd’hui les mêmes motifs. C’est au cœur de l’empire, à Fez et à Maroc, que la civilisation doit porter son action, pour sa propre dignité et pour le progrès du peuple marocain lui-même. Il conviendrait d’insister en outre pour que l’empereur se fît représenter lui-même auprès des cours de Paris, de Londres, de Madrid par des envoyés et des consuls à résidence fixe, moyen précieux de régler à l’amiable les incidens et d’initier les barbares à nos idées politiques. Les sultans ont souvent envoyé en Europe des représentans en mission ; Gênes a eu pendant longtemps le privilège de posséder un véritable consul marocain, et aujourd’hui Gibraltar sert de résidence à un agent qui a l’œil et l’oreille sur tous les mouvemens et les bruits de l’Europe pour les transmettre à Fez. Un pas de plus, et l’on se mettra au ton de toutes les nations, même de celles qui, comme la Turquie et la Perse, appartiennent au monde musulman.

Les rapports des consuls avec les pachas et ministres doivent être