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se réduit à la faculté de construire des édifices pour la durée de temps jugée nécessaire au remboursement fructueux des capitaux. En Tunisie, en Turquie, la propriété immobilière est permise aux étrangers ; elle peut l’être au Maroc.

De même pour l’exercice des cultes chrétiens, qui est interdit jusqu’à ce jour, car on ne peut admettre comme chose satisfaisante la célébration à huis clos, et en quelque sorte clandestine, de quelques messes dans la chapelle espagnole de Tanger. En ceci, le traité anglais, avec la sollicitude particulière à cette nation, a tout réglé convenablement, jusqu’au droit d’inhumation. On ne refusera pas aux catholiques une liberté reconnue aux protestans, aux israélites même, et qu’ils possèdent à Tunis et dans tout l’empire ottoman. L’ouverture d’écoles chrétiennes et mixtes en sera la conséquence. Quant au droit de propagande et de mission à travers le pays, toujours revendiqué par les âmes exaltées qui aspirent à la palme du martyre, la prudence oblige de s’en passer. La prédication par l’exemple des vertus reste toujours permise, et mieux que toute autre elle fait les conversions sincères.

Sur les intérêts commerciaux, troisième objet à régler, l’initiative anglaise n’a pas été moins bien inspirée. À l’importation et à l’exportation, les prohibitions sont supprimées, sauf pour les articles suivans, qui ont trait à la santé et à la sécurité publiques : tabac, pipes à fumer, opium, poudre à tirer, salpêtre, plomb, armes et munitions de guerre. Le droit d’importation est fixé à 10 pour 100 ad valorem, proportion qui ferait honneur à nos tarifs. Les droits sur l’exportation sont encore généralement trop élevés, mais l’avenir les améliorera par un accroissement d’influence. Les seuls monopoles que le gouvernement se réserve sont ceux des sangsues, des écorces, des tabacs et autres herbes à fumer. D’autre part, les taxes de la navigation sont loin d’être exorbitantes. Que les diverses nations européennes partagent avec l’Angleterre les profits du nouveau système, et le commerce de l’empire prendra des proportions dont le mouvement actuel, qui roule sur 22 ou 25 millions de francs, ferait mal apprécier l’importance[1]. L’Algérie montre quelle est à cet égard l’influence vivifiante de la civilisation ; moitié moins étendue et peuplée que son voisin de l’ouest, elle fait aujourd’hui pour environ 200 millions d’échanges.

Le Maroc peut fournir une grande quantité de matières premières : laines, cuirs, peaux et autres dépouilles animales, cires,

  1. En 1854, d’après un rapport du consul belge de Tanger, le commerce total fut seulement de 16,861,351 francs, mais il monta en 1855 à 30,628,875 francs. Ce document estime que ce chiffre est au-dessous de la réalité à cause de la contrebande anglaise, dont les importations passent pour excéder d’un quart les importations déclarées. Gibraltar est le centre de cette contrebande, qui s’étend jusqu’à l’Algérie et l’Espagne.