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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/125

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de Cuba, et laissait entrevoir dans le lointain la possibilité d’un appel à la loi omnipotente de la force, l’instinct espagnol se soulevait d’un élan spontané et unanime dans le sénat et dans le congrès ; toutes les opinions, toutes les fractions d’opinions se serraient autour du gouvernement pour opposer le faisceau de tous les patriotismes aux audacieux calculs de la république américaine. C’était aux premiers jours de janvier 1859. Lorsque la guerre d’Italie commençait et obligeait les peuples les plus désintéressés dans la lutte à augmenter leurs forces, à prendre une attitude d’observation et d’attente, tous les partis se rallièrent aussi à la politique du cabinet, qui consistait dans une neutralité appuyée sur un accroissement du matériel de guerre et de l’armée jusqu’au chiffre de cent mille hommes.

Ici cependant, sous cette neutralité admise comme un principe de politique, on aurait pu distinguer une singulière diversité d’impressions tenant aux affinités naturelles des opinions. Tous les partis étaient d’accord avec le gouvernement, sur la nécessité de s’armer et de prendre une position de prévoyance ; mais ils ne pensaient pas tous de même sur la cause essentielle de la guerre. Le parti progressiste était le plus favorable à l’émancipation de l’Italie. A ses yeux, c’était la révolution se réveillant tout à coup et retrouvant des forces pour se répandre dans tous les pays. Ce n’était pas de quoi faire aimer l’indépendance italienne en Espagne. Les progressistes cependant ne confondaient pas dans leurs sympathies la cause de l’Italie et la politique impériale française. Les modérés avaient d’extrêmes méfiances à l’égard de la cause italienne, dans laquelle ils ne voyaient qu’une machine de guerre préparée et dirigée dans des desseins inconnus… Le sens libéral des affaires d’Italie leur échappait entièrement. Pour tout dire, ils se plaçaient, sans le vouloir peut-être, au point de vue absolutiste et autrichien dans leur manière d’envisager la marche des événemens, et pendant quelques mois on a eu l’étrange spectacle de tout un groupe de journaux conservateurs espagnols mettant le zèle le plus curieux à débrouiller les énigmes du télégraphe au profit des anciens maîtres du nord de l’Italie, exagérant les forces de l’Autriche, déguisant ses revers, diminuant les succès des armées alliées, donnant une couleur purement révolutionnaire aux plus légitimes revendications des Italiens, poursuivant dans leurs polémiques le Piémont et son roi. Entre ces deux camps opposés, le ministère et ses défenseurs tenaient en quelque sorte la balance. Moralement ils n’avaient que des sympathies pour l’émancipation de l’Italie ; mais en même temps ils s’inquiétaient de l’extension possible d’une guerre qui pouvait si gravement altérer l’ordre européen, en affaiblissant