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que l’un des hommes les plus éminens de l’union libérale, M. Rios Rosas, était choisi pour aller à Rome comme ambassadeur. Par le caractère, par le talent, par son dévouement au catholicisme en même temps que par le libéralisme éclairé et intelligent de ses opinions, M. Rios Rosas offrait toute garantie à la cour romaine aussi bien qu’au ministère qui l’envoyait. Il a été plus heureux qu’on ne le lui prédisait avant son départ de Madrid, et à travers bien des difficultés, il est vrai, il est arrivé à préparer une transaction nouvelle, que le gouvernement s’est fait autoriser à sanctionner définitivement. Par suite du traité nouveau, l’église transmet à l’état toutes les propriétés, et reçoit en échange des inscriptions de rente qui ne pourront être transférées. L’état, devenu propriétaire, vend tous les biens ecclésiastiques, et s’engage à porter de 170 millions à 200 millions de réaux le chiffre inscrit au budget pour le clergé. La forme, on le voit, est une cession consentie par l’église. L’église cède ses biens à l’état, qui en fera ce qu’il voudra, à peu près comme l’empereur d’Autriche cède la Lombardie à la France, disait-on assez spirituellement à Madrid. De cette façon, le saint-siège évite de livrer ostensiblement le principe du droit de propriété pour l’église j et l’Espagne obtient en fait ce qu’on demande depuis si longtemps, ce qui a fini par être accepté de tous les partis, la vente d’une masse de biens dont la valeur ne s’élève pas à moins de 4 milliards de réaux. La guerre d’Italie n’a peut-être point été inutile à cet arrangement en faisant sentir au saint-siège la nécessité de se ménager l’appui d’un état catholique. Quoi qu’il en soit, c’était un succès pour M. Rios Rosas, l’habile négociateur, et c’était aussi un succès pour le gouvernement, qui résolvait le problème de désarmer tout à la fois les progressistes par le désarmortissement réel et les modérés par un accord avec Rome.

C’est au moment où le gouvernement espagnol venait à bout de cette épineuse affaire qu’il se trouvait engagé dans une guerre avec l’empire du Maroc, une vraie guerre, qui touche à tout ce que le sentiment national a de plus intime et de plus ardent, aussi bien qu’aux intérêts diplomatiques les plus divers, et qui a été un moment sur le point de prendre dès le début une importance européenne. Si le général O’Donnell n’est point allé au-devant de cette guerre, on pourrait dire du moins qu’il l’a vue naître sans peine, comme une grande diversion d’opinion qui lui assurait à lui-même la possibilité d’aller chercher le prestige d’un nouvel éclat militaire. Il n’a pas laissé fuir l’occasion de parler à l’imagination d’un peuple qui a été grand, qui s’en souvient, et à qui de ses possessions d’autrefois, de ses tentatives de conquête en Afrique notamment, il ne reste que quelques points du littoral méditerranéen, Melilla, Alhucernas,