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et elles pouvaient être reconstruites en quatre-vingt-dix heures. Ce renfort de batteries flottantes rendait inutile le concours des chaloupes canonnières montées, qui furent renvoyées à l’escadre de l’Adriatique, à l’exception du n° 5, destiné à armer le bateau le Casale. C’eût été un beau spectacle cependant que celui de locomotives remorquant à travers les terres cinq bâtimens de 90 tonneaux ! On eût rendu la chose praticable en réduisant chacun des bâtimens à sa coque proprement dite, c’est-à-dire en lui enlevant les chaudières, les masques, les plaques, les machines et les emménagemens intérieurs, pour le ramener ainsi au poids de 42 tonneaux. Les chaloupes, longues de 25 mètres, eussent été portées sur des wagons plats à marchandises, pouvant recevoir un poids de 8 ou 10 tonneaux chacun. Pour hisser en quelque sorte ces masses énormes sur les trucs, on eût introduit dans un des bassins de Gênes un ponton à fond plat, sur lequel on eût établi des rails et posé ces wagons. Chacune des chaloupes eût été alors solidement assujettie sur les voitures. Le tout eût été remis à flot, remorqué et échoué à Samperdarena, faubourg de Gênes, et les voitures eussent été tirées à terre sur le chemin de fer d’Alexandrie. Seulement, sous les tunnels et sous les ponts, on eût construit une voie provisoire entre les deux déjà existantes, afin que les flancs des navires, ne vinssent pas se heurter contre les parois, les piles ou les voûtes.

C’est au milieu de toutes ces préoccupations, de tous ces projets, que l’on apprit la retraite des Autrichiens sur le Mincio. Ils se retiraient en faisant sauter les ponts et démolissant les chemins de fer derrière eux. C’était de bonne guerre sans doute, mais fort inquiétant pour le passage futur de notre flottille. En France et dans les pays offrant de grandes ressources, on trouve facilement des charrettes capables de porter des poids au-dessus de deux ou trois tonneaux ; les voies ferrées ne sont point alors indispensables pour le transport d’un matériel pesant. Malheureusement la Lombardie avait déjà subi de fortes réquisitions de toute espèce, et les marins n’avaient à leur disposition que des voitures à bœufs, impropres par leur petitesse, leur légèreté et leur forme, au charroi des chaudières, des canons et des masques. Aussi l’écroulement des arches des ponts du Tessin, de Vercelli, de Cassanno et de San-Marco, la démolition probable du viaduc de Desenzano, haut de 42 mètres, semblaient devoir indéfiniment reculer le moment tant désiré de marcher en avant.

Après la victoire de Solferino, la face des choses parut complètement changée : la route de la Lombardie était libre, et l’ordre fut immédiatement expédié à la flottille de se diriger le plus promptement possible, et par tous les moyens, vers le lac de Garde. Le but