Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assez fertile pour fournir en abondance une sève nouvelle, le mal est bientôt réparé : la végétation reprend son cours avec vigueur, et dès les premières journées du mois de mai un riche feuillage aux teintes vertes foncées décore les plantations, et fournit la récolte la plus abondante, doublement productive, car le thé qui en provient est d’une qualité meilleure et d’un prix plus élevé que celui des deux ou trois cueillettes suivantes. Alors aussi la fleur de l’arbuste est passée, les capsules renfermant les graines n’ont atteint que moitié de leur volume ; on les récolte avec les premières feuilles, dont elles augmentent un peu le poids sans nuire à la qualité du produit.

À chacune des trois ou quatre époques de la récolte, en même temps que s’effectue la cueillette des feuilles, les travaux de la préparation commencent et se continuent dans l’ordre suivant. Les feuilles, entassées dans des paniers de bambou et de jonc, sont apportées aux ateliers de séchage, établis sous des hangars légers. Les principaux ustensiles de ces usines peu dispendieuses sont de petites bassines en tôle encastrées au nombre de deux, trois, quatre ou davantage, à la suite les unes des autres sur un seul fourneau horizontal, recevant d’un foyer ordinaire la flamme qui s’étend sous les fonds de toutes les bassines avant de se rendre dans un tronçon de cheminée verticale d’où la fumée s’échappe à l’air libre. Derrière chaque bassine et de chaque côté s’élève une sorte de guérite en briques qui isole les opérations et facilite le travail en permettant de soustraire à l’action de la chaleur, de temps en temps, une partie des feuilles que l’on rejette alors autour de la bassine sur les parois inclinées et moins chaudes de la guérite. Un seul ouvrier est chargé du soin d’entretenir le feu aussi régulièrement que possible, tandis que devant chaque bassine un des travailleurs dirige l’action de la chaleur sur les feuilles en les remuant sans cesse, soit à la main, soit, lorsque la température devient trop élevée, à l’aide d’un petit balai en baguettes de bambou. Il parvient de la sorte à renouveler si bien toutes les surfaces en contact avec le fond et les parois des bassines que toutes les feuilles éprouvent graduellement un chauffage régulier et des réactions semblables, car il faut qu’en cinq minutes environ les premiers effets utiles se soient régulièrement produits, c’est-à-dire que les feuilles se soient successivement crispées à la première impression de la chaleur, puis amollies sous l’influence de la vapeur aqueuse qu’elles-mêmes dégagent, et qui en pénètre les tissus. On extravase ainsi partiellement les sucs de la plante, et c’est alors qu’en vue de développer ces effets, sans laisser trop longtemps persister l’action du feu, chaque travailleur, au moment opportun, retirant de sa bassine les feuilles assouplies, les pose en tas sur une table à claire-voie formée de tiges