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té de cette préparation est de faire prendre en gelée consistante cinq cents fois son poids d’eau (dix fois plus que la colle de poisson).

Un tel régime alimentaire suppose des condimens variés qui fassent disparaître la saveur assez fade des principaux mets. L’alimentation chinoise sous ce rapport ne laisse rien à désirer. Le gingembre, le poivre, le curcuma, la noix d’Arec, quelques autres épices, y tiennent une grande place. Comme préparation essentiellement propre au pays, il faut citer surtout un liquide doué d’une saveur forte, mais assez agréable, nommé soya. Cette sauce nationale est préparée dans chaque famille d’après des recettes diverses, mais qui admettent toutes l’emploi d’une variété de haricots noirs, réduits par la coction en une bouillie épaisse, soumise à une fermentation qui développe certains produits cryptogamiques analogues à ceux qu’on observe dans les fromages conservés à Rochefort. La bouillie ainsi obtenue forme une pâte qui, dégagée de ses moisissures et délayée dans l’eau chaude, laisse surnager un liquide très savoureux, conservé en bouteilles par les Chinois, et connu dans le Céleste-Empire sous le nom de soya.

Revenons au plus sain des condimens, c’est-à-dire au thé, dont l’usage devient nécessaire quand, adoptant la coutume chinoise, on associe au riz d’assez fortes proportions de substances animales diversement préparées[1], quand surtout il faut suivre ce régime si compliqué au milieu des influences malfaisantes d’un pays marécageux. Les eaux ne deviennent en effet potables dans certaines parties de la Chine que clarifiées à l’aide de l’alun (1/2 millième), ou corrigées par l’ébullition et l’infusion de thé, qui les purifient et les dégagent de diverses matières organiques en fermentation. D’ailleurs les Chinois ne consomment que rarement des boissons froides, et dans ce cas les liquides préférés sont un vin de riz et un faible alcool de céréales. Espérons qu’il sera facile à tous les Européens conduits en Chine de s’habituer à un régime que semble réclamer impérieusement la température du pays. L’usage du thé s’impose dans les contrées humides à ceux même qui ne pouvaient le supporter,

  1. On peut supposer que certains alimens de cette catégorie exciteront une certaine répugnance chez les personnes non habituées à en faire usage. On évitera peut-être cette répulsion, si l’on pousse jusqu’au bout les pratiques habituelles des Chinois, en faisant comme eux hacher très menu toutes les viandes ; de telle sorte, toutes différences de formes entre lièvres, chevreuils, perdreaux, faisans, chiens, chats et rats disparaissent entièrement. Nous devons ajouter que les consommateurs indigènes, comme les étrangers, ont toute facilité dans le choix des formes de ces préparations culinaires, car les rôtisseurs chinois sont très habiles ; ils savent présenter aux acheteurs sous d’appétissantes apparences les animaux rôtis entiers, même très volumineux, tels par exemple que les cochons, qu’ils suspendent à cet effet dans des fours en tôle au-dessus d’un brasier ardent.