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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/242

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villes de l’Italie, — elle l’a montré depuis en 1848, — ne fut pas la dernière à s’émouvoir ; elle avait cependant une telle confiance dans le sage et libéral esprit de son gouverneur, qu’elle se montra constamment docile à sa voix au milieu de ces enivrantes agitations des premiers momens. Livourne ne se trompait pas dans sa confiance, car le marquis de Lajatico, par les lumières de son intelligence, par les inspirations de sa raison, appartenait d’avance à ce mouvement de réformes qui commençait. Par sa qualité de fonctionnaire de l’état, il s’était naturellement tenu toujours en dehors de toutes ces menées secrètes qui ont été pendant si longtemps la seule forme de la vie politique au-delà des Alpes, le seul moyen employé par un grand nombre de libéraux italiens pour travailler à l’affranchissement de leur pays ; mais d’un autre côté, dans l’intérieur de sa conscience, il ne se méprenait pas sur les temps nouveaux. Son esprit était tout acquis à un large système de réformes ; sa fidélité au prince y voyait le gage de l’affermissement de la dynastie grand-ducale popularisée par une initiative généreuse, et dans l’indépendance de sa situation personnelle, en dehors de tous les partis, il voyait un moyen de travailler librement, selon ses convictions, à la résurrection nationale et politique de l’Italie.

Conservateur et libéral à la fois, sincère par-dessus tout, le marquis de Lajatico fut des premiers à cette époque à sentir la force irrésistible de ce mouvement et les dangers dont il pouvait être la source, si l’on ne se hâtait de le dominer par une direction intelligente et spontanée. Le gouverneur de Livourne ne le cachait pas dans ses rapports officiels au grand-duc, dès qu’il vit poindre les premières réformes, accueillies avec une sorte d’ivresse. Son avis eût été d’organiser aussitôt dans les conditions les plus larges un gouvernement consultatif, qui eût resserré le lien entre la dynastie et le pays, en devenant l’expression tempérée et suffisante encore de tous les vœux publics. Ces conseils, semblables à ceux que Rossi donnait à Rome, ne furent point écoutés. On alla de concessions en concessions ; on céda pas à pas, tantôt en adoucissant le régime de la presse, tantôt en se laissant arracher l’organisation d’une garde nationale. Il en résulta ce qui était facile à prévoir, ce que le gouverneur de Livourne avait prédit dès la première heure, — une série de faiblesses amenant pour le pouvoir une déconsidération dont il ne se relevait un moment que par des concessions toujours nouvelles, à tel point que le grand-duc Léopold II se trouvait conduit, au mois de septembre 1847, à chercher tous les moyens de fortifier son gouvernement, et il appelait au ministère le marquis de Lajatico comme l’homme le mieux fait pour ramener la confiance publique.

Tout marchait vite en ce temps, et il arriva une chose bien simple : ce qui eût suffi au commencement de 1847 ne suffisait plus au mois de septembre. Le marquis de Lajatico le sentit, et il déclarait avec une nette hardiesse au grand-duc qu’à ses yeux on ne pouvait désormais assurer l’ordre et rester maître du mouvement universel qu’en donnant une constitution et en adoptant une politique franchement nationale. On vivait encore dans de telles illusions au palais Pitti que le mot de constitution fut considéré presque comme une offense, « Mais c’est appeler l’Autriche ! » dit le grand-duc. Le marquis de Lajatico répondit en invoquant les droits d’indépendance