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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/323

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dessein, en l’exposant avec franchise, n’est nullement de m’associer aux déclamations injustes qui ont poursuivi dans leur disgrâce d’excellens serviteurs du pays, dont l’estime est un honneur pour ceux qui ont eu l’avantage d’approcher d’eux. C’est au contraire qu’amené par la suite de ce travail à les défendre contre ces déclamations mêmes, et surtout contre les procédés peu courtois de leurs successeurs, il était indispensable de faire comprendre la véritable origine de la crise qui a préparé, causé et suivi leur retraite. C’est à cette source en effet, et à cette source à peu près unique, qu’a pris naissance le sentiment qui a déterminé la chute de l’ancienne administration et qui fait encore aujourd’hui le péril réel de la colonie ; je veux dire l’hostilité assez déclarée d’une partie de la population civile contre l’autorité militaire.


III

En se faisant l’entrepreneur général de la colonisation, l’ancienne administration, avons-nous dit, s’exposait imprudemment à se voir imputer par l’opinion publique toutes les lenteurs et tous les échecs inévitables de l’entreprise. Ce résultat effectivement n’a pas manqué ; mais le malheur ou plutôt le caprice de l’opinion a voulu que ce ne soit pas l’administration tout entière, le gouvernement en général, mais une seule branche (il est vrai la principale) de l’administration, le pouvoir militaire, qui ait porté le poids de cette impopularité. C’est au pouvoir militaire, c’est au régime du sabre, comme on l’appelle, que l’opposition de la colonie a hautement attribué la langueur de son développement, et ne se faisant pas faute des insinuations charitables dont toute opposition se nourrit, ce n’est pas seulement l’habileté, ce sont les intentions qu’elle a accusées. A ses yeux, ces règlemens excessifs dont la colonisation a été entourée et pour ainsi dire emmaillottée n’ont pas eu pour principe, comme nous le pensons, un désir de protection excessive ; ils ont été conçus au contraire et appliqués dans un dessein prémédité de compression. L’armée, qui disposait en souveraine de l’ancienne administration, n’a pas voulu que la colonie se développât, et cela par une raison que l’on trouve toute simple et qu’on ne craint pas de dire tout haut : c’est qu’en se développant l’Afrique serait devenue nécessairement plus civile et moins militaire ; l’importance du rôle de l’armée aurait décru, la convenance de son pouvoir administratif aurait diminué peu à peu et fini par disparaître, le jour où, au lieu d’avoir des Arabes à vaincre ou à contenir, on aurait eu des Européens à gouverner. En un mot, l’armée n’a pas voulu de Français