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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/459

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toute autre des soins minutieux, et qu’il existe une science qui s’en occupe d’une manière spéciale. Cette ignorance est en effet si générale en France, qu’à l’exposition universelle de 1855 les produits forestiers ont été classés parmi les produits naturels qui peuvent s’obtenir sans culture. M. L. de Lavergne a signalé dans la Revue même[1] l’erreur d’une telle appréciation et montré les graves conséquences qu’elle comporte. Cette erreur, que nos voisins d’outre-Rhin n’auraient certainement pas commise, ne date pas d’aujourd’hui. Lorsqu’on parcourt en effet la longue liste des ouvrages qui s’occupent des forêts, on est étonné du petit nombre de ceux qui traitent de la sylviculture proprement dite. La jurisprudence forestière, l’emploi des bois dans la marine ou l’industrie, des considérations générales sur l’utilité de la conservation des forêts, tel est le thème ordinaire de ces nombreuses publications. Ce ne sont pas des forestiers, mais des administrateurs, des avocats, des marins, des industriels, des officiers d’artillerie ou des négocians qui entretiennent le public de ces questions : il faut leur en savoir gré, car ils montrent ainsi à combien d’intérêts divers la science forestière se rattache ; mais on ne peut exiger d’eux qu’ils en parlent à un point de vue technique qui leur est complètement inconnu.

Toutefois, pour être peu nombreux, nos ouvrages de sylviculture ne sont inférieurs à ceux d’aucune branche de l’économie rurale, et les mémoires de Buffon sur les forêts, les traités de Duhamel sur les Semis et plantations et sur l’Exploitation des bois, le Cours de culture des bois de MM. Lorentz et Parade, ne nous laissent plus rien à envier à personne. Si ces ouvrages ne sont guère connus que d’un public spécial et restreint, il n’en faut point accuser le faible intérêt qu’offre ce genre d’études, il en est au contraire bien peu de plus attrayans : cela tient uniquement à ce que la sylviculture n’est pour ainsi dire pas scientifiquement représentée à Paris. Depuis. Duhamel en effet, c’est-à-dire depuis un siècle environ, aucun fauteuil ne lui a été réservé à l’Académie des Sciences, où l’on voit cependant figurer des branches beaucoup moins importantes de l’économie rurale, telles que l’art vétérinaire et l’horticulture. Aucune chaire publique ne lui est consacrée : sauf les cours très élémentaires des écoles d’agriculture de Grignon et de La Saussaie, elle n’est plus, depuis la suppression de l’Institut de Versailles, enseignée qu’à l’École forestière. Or cette école, dont le siège est Nancy, est exclusivement destinée à former des agens pour l’administration des forêts de l’état et des communes : elle n’admet pas d’élèves libres,

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1855, les Essences forestières à l’exposition universelle, par M. L. de Lavergne.