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de nous prendre à l’improviste, eussent été prévues, calculées, et par conséquent rapprochées des solutions légitimes et naturelles. La guerre a éclaté malgré nous. La guerre est un de ces terribles faits à l’empire desquels le patriotisme et la politique rationnelle ne se peuvent dérober. Le bon sens pratique ne consistait plus à gémir rétrospectivement sur les causes de la guerre ou à critiquer les volontés qui nous avaient entraînés dans la série de conséquences fatales qu’elle crée. Il n’est permis qu’aux gérontes de comédie de crier sans fin pour l’amusement du parterre : « Mais qu’allait-il faire dans cette galère ? » Une fois dans la maudite galère, il n’est question que d’arriver au port. La guerre commencée, l’enjeu risqué, il fallait gagner la partie, c’est-à-dire atteindre l’objet de la guerre, fonder l’indépendance de l’Italie. Cette indépendance se pouvait-elle assurer par des combinaisons artificielles et chimériques, conçues à priori et imposées par une politique étrangère aux répugnances des populations italiennes ? Nous ne le pensions point, et c’est pourquoi nous avons souhaité et prédit aux arrangemens de Villafranca le sort qu’ils éprouvent aujourd’hui. À notre avis, si l’Italie est capable d’être indépendante, les Italiens seuls sont capables de trouver la forme, le cadre, les défenses permanentes de son indépendance. Dans une telle œuvre, le succès ne dépend que des Italiens : à eux seuls il faut laisser le mérite de la réussite ou la peine de l’échec. Toute immixtion étrangère dans la nouvelle formation de l’Italie, outre qu’elle produirait d’inévitables avortemens, ferait retomber sur les souverains et les peuples qui l’auraient commise de longues et redoutables responsabilités, et perpétuerait ce foyer de troubles et de révolutions que la France a tenté d’éteindre au prix de si grands risques et de si grands sacrifices. Laissons les Italiens décider du sort de l’Italie, évitons les immixtions aussi bien que les interventions. Sur ce point, la nouvelle politique impériale nous donne raison en partie, puisqu’après avoir écarté les moyens de coercition, elle renonce même aux moyens de persuasion pour rétablir les anciens régimes dans les provinces affranchies de l’Italie centrale.

Nous disons que cette nouvelle politique vient en partie sur notre terrain. En effet, si sur le fond des choses elle s’accorde avec ce que nous avons toujours demandé, nous avons le regret de dire que, par la forme sous laquelle elle nous a été révélée, elle soulève des questions nouvelles et très graves qui dépassent l’Italie, et que, par les moyens à l’aide desquels elle semble vouloir atteindre son but, elle n’affranchit pas suffisamment, selon nous, la France des compromissions auxquelles nous sommes exposés dans le maniement des affaires italiennes.

La forme sous laquelle le gouvernement a fait connaître ses vues sur la question romaine, une brochure et une lettre impériale, nous paraît dangereuse, et nous espérons qu’il nous sera permis de dire franchement pourquoi. Cette forme, à nos yeux, a eu l’inconvénient de substituer une question de principe à une question de fait. Le fait était déjà hérissé de bien des difficultés. Les Romagnes, après le départ des Autrichiens, qui les occupaient et les opprimaient depuis onze ans, se sont déclarées indépendantes, et ont usé de leur indépendance pour exprimer la volonté d’être unies au Piémont. Nous qui professons le principe général que les peuples