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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/568

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exhaussé les barrières de l’esprit humain, et mis en interdit une bonne partie de la métaphysique et presque toute la théologie reçue. Je le remarque, parce que M. Mansel s’est montré son fidèle disciple, et qu’à tomber dans les mains d’un philosophe, la théologie n’a rien gagné comme science, si même elle n’y a compromis jusqu’à ce titre modeste de servante de la foi que lui avait conservé la scolastique.

Il existe à Oxford une fondation de John Bampton, chanoine de Salisbury. C’est un legs destiné à rémunérer chaque année l’auteur de huit lectures pour la défense des principes essentiels du christianisme. Comme l’enseignement religieux ne fait pas faute à l’université, l’usage s’est introduit de consacrer ces leçons à l’examen de quelques questions nouvelles ou à l’exposition de quelques nouvelles vues qui intéressent la philosophie de l’orthodoxie. Elles offrent par là même un attrait particulier de curiosité, et sont comme un cours supérieur de théologie transcendante. C’est par les Bampton Lectures que, dans le temps, le docteur Hampden produisit une nouvelle critique de l’interprétation du dogme qui parut une censure des trente-neuf articles de l’église, et qui l’aurait exposé à être déclaré schismatique, si, au lieu de cela, il n’était devenu évêque. C’est par les Bampton Lectures que le révérend Henri Mansel introduit une doctrine qui ne lui vaudra pas les mêmes attaques qu’au docteur Hampden, mais qui, suivie dans toutes ses applications, pourrait bien atteindre plus gravement les formulaires et les confessions de foi libellées en termes d’école, car au fond M. Mansel a consacré son court passage dans une chaire de théologie à démontrer qu’il n’y a pas de théologie.

Il ne le dit pas aussi crûment, et surtout il ne cherche pas à dégager ainsi la religion de la science pour la désarmer : il pense au contraire assurer son empire en le limitant, et la délivrer d’une ennemie en la délivrant d’une infidèle alliée. Pour bien faire connaître son livre, écrit avec beaucoup de talent, où partout se montrent une foi vive, une conviction sincère, la sagacité et la lucidité d’un esprit vraiment philosophique, il faudrait disposer de plus d’espace que nous n’osons en prendre ici. Qu’il nous suffise de dire qu’aux premières pages la défiance de l’auteur se déclare contre le dogmatisme et le rationalisme. Sans être nécessairement hostiles au christianisme, tous deux, même à pieuse intention, peuvent l’altérer ou l’affaiblir, l’un en ajoutant, l’autre en retranchant à l’Écriture ; l’un en traduisant sous forme de dogmes scientifiquement déduits les croyances évangéliques, l’autre en les réduisant à des abstractions dont elles ne seraient plus que les figures symboliques. Dans l’une et l’autre tentative se trahit la prétention d’obtenir une connaissance de Dieu plus égale à lui, plus divine, parce qu’elle serait moins humaine. On se figure qu’elle le sera moins en effet, quand on l’aura