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cordonnier, Stephenson s’occupait avec une extrême ardeur de mécanique. Il introduisait dans la disposition et l’organisme des machines toute sorte d’améliorations. On commençait à venir le consulter d’assez loin à ce sujet, et sa réputation se répandait peu à peu. Il avait réussi à remettre en état et à faire fonctionner régulièrement quelques machines d’épuisement ou d’extraction dont tout le monde avait désespéré, et quelques-unes de ces cures merveilleuses lui assurèrent bientôt une position exceptionnelle parmi tous les hommes de sa profession. Il profita de ce retour de fortune pour étudier davantage, se familiariser avec l’arithmétique, apprendre à dessiner des plans; il acquit aussi quelques notions scientifiques sur la mécanique et la chimie. Son fils, qu’il avait placé dans une académie de Newcastle, lui envoyait sur ces sujets des livres qu’il lisait avec une avide curiosité.

Ce fut vers cette époque que l’esprit entreprenant et ingénieux de Stephenson aborda l’étude d’un sujet nouveau, d’où il devait tirer les plus magnifiques et les plus fécondes découvertes. On se préoccupait vivement, dans tout le bassin houiller de Newcastle, de moyens économiques pour transporter le charbon des puits d’extraction aux points d’embarquement. En faisant rouler les wagons sur des rails en bois et en fer, on avait déjà réalisé un très grand progrès : il s’agissait maintenant de trouver une force motrice nouvelle, en employant la force expansive de la vapeur dans des machines mobiles elles-mêmes sur les rails et capables de remorquer les trains auxquels elles seraient attelées. Bien des essais de locomotives avaient été tentés ; mais ces premiers appareils pourraient moins bien soutenir la comparaison avec nos locomotives actuelles que les premières machines à vapeur fixes avec celles que nous admirons aujourd’hui dans nos grands ateliers industriels. Animer en quelque sorte le fer et la fonte, lancer une machine sur des rails à la tête d’un long convoi, donner à ce moteur aveugle la stabilité en même temps que la vitesse, en régler tous les mouvemens, les précipiter ou les ralentir à volonté plus facilement que le cavalier le plus habile modifie l’allure de son cheval, tel était le problème auquel il fallait trouver une solution. George Stephenson avait approfondi avec tant de soin tout ce qui concerne les organismes des machines, que, voyant marcher sur le chemin (tramway) de la mine de Kenton et Coxlodge une petite locomotive inventée par Blenkinsop à Leeds, il s’écria tout de suite : « Il me semble que je pourrais mieux que cela faire marcher une machine sur ses pieds. » Le voilà immédiatement à l’œuvre, étudiant tout ce qui avait été fait dans ce genre, essayant toute sorte de combinaisons nouvelles. Bientôt, sans le secours d’ouvriers constructeurs spéciaux, sans matériel convenable, il parvient à achever une locomotive. Cette